À notre époque où le marché est plein à craquer de nouveaux groupes aussi faciles à découvrir qu’à oublier, où le consommateur moderne saute de nouveautés en nouveautés comme si de rien n’était, le premier album est de plus en plus à concevoir comme la seule et unique chance d’un groupe.

En 2004, nous étions des milliers à tomber par terre en découvrant le troisième album de DEATHSPELL OMEGA ! Malgré deux premiers albums très faibles, nous avions eu la décence de bien vouloir croire en eux. Combien seront-ils à notre époque à bénéficier d’une telle troisième chance ? Il y a un risque très élevé qu’aujourd’hui, si un groupe ne brille pas dès son premier cri, il tombera dans les cruelles oubliettes de l’industrie musicale.

Cette problématique réelle, l’entité anglaise WHITE MEDAL a su la contourner très habilement en ne sortant que des discrètes démos, des EPs sans prises de risques et des splits à gauche à droite. Ainsi quand sort en 2013 le premier album du groupe, ce sont 7 ans de progression musicale qu’on se prend d’un coup en pleine gueule. La différence remarquée entre ce "Guthmers Hahl" et la vague idée que j’avais en tête du groupe est ridiculement immense !

Nous avons simplement ici affaire au meilleur album de Raw Black Metal de ces dernières années ! Mais attention, quand je parle de RBM, je ne parle pas de « Lord dark moon winter solitude wolf forest funeral frost cryptic cemetary » dans sa cave avec sa guitare sous produite. Je parle ici d’une musique si violemment conçue et si intelligemment exécutée qu’elle vous atteint d’une façon presque organique.

Je n’avais honnêtement rien entendu d’aussi dégueulassement beau depuis BRENORITVREZORKRE (écrit d’une traite sans faire de fautes - Zodd passe kvlteux niveau 76 -) ! Le son est donc immonde, mais d’une façon chirurgicale. Les guitares sont vénéneuses et la voix inhumaine. Agrémentez cela d’un concept pagan typique du Yorkshire (interprété en dialecte local !), vous obtenez ainsi une musique vile et pluvieuse illustrant des guerriers fatigués, de la boue jusqu’au pied et attendant le combat final !

L’immense personnalité de WHITE MEDAL vous explose à la tronche dès les premières notes de "Return Of Pagan Yorkshire" : bordel mais quel plaisir de retrouver enfin un groupe qui possède un son bien à lui ! Au-delà de la production abyssale, l’écriture de la musique est véritablement soignée. Chaque note est importante et les structures sont réfléchies pour axer ces notes vers notre sensibilité. Les neuf minutes de ce premier titre font donc l’effet d’un 11 septembre en repeat dans les oreilles : fulgurant et dévastateur ! Mention spéciale aux vocales qui me font l’effet d’être coincé entre les mâchoires du Cerbère.

Dans ses instants les plus beaux ("Ar Deeard Moor", "Afeeard Ut Setting Sun"), "Gutmers Hahl" rappelle les vieilles transes magiques de VLAD TEPES. Dans ses instants les plus furax ("Skratjes Gate", "Us Tiem Ut Bitter Folk"), c’est un monstre encore inconnu qui s’élève devant nous. Tous les instruments sont torturés à un point inimaginable, mais les dissonances créées sont sagement redirigées vers l’immonde unité que monsieur Proctor désire instaurer dans son œuvre. Il est facile de croire qu’aucun son entendu sur cet album n’a pas été pré-calculé par l’auteur.

Concrétisation d'incroyables années de travail : le chaos musical organisé sur cet album n’aurait jamais pu naître d’improvisations et rendrait jaloux les plus justes productions des Légions Noires. Que tous ceux qui ont su admirer "Nèvgzérya" en son temps, qui cherchent à retrouver les sensations déclenchées par les vieux GRAVELAND, et surtout qui n’ont pas peur de saigner un peu des oreilles, se jettent sur cet album fabuleusement laid qui botte le cul à la plupart des productions Black actuel.