Kaotoxin Records, c'est quand même franchement de la balle.
Un petit label français relativement modeste, mais avec un niveau qualitatif des sorties quand même sacrément élevé. Mais ce n'est pas tout. Parce que compte tenu de la taille de la structure elle-même qui reste assez humble, j'ai rarement vu plus violent niveau efficacité de promotion, à part LADLO évidemment. Si un groupe signe chez Kaotoxin, c'est bon, c'est fini, on le voit partout dans les milieux spécialisés.
Il n'est actuellement pratiquement pas possible d'être français, de s'intéresser au Metal Extrême, d'avoir une connexion internet, et ne pas avoir entendu parler de EYE OF SOLITUDE, SAVAGE ANNIHILATION, le récent et génial WE ALL DIE (LAUGHING) ou justement ces AD PATRES. Groupe que je voyais absolument partout et vendu comme le nouveau leader de la scène Brutal Death française à l'égal de ce qui se fait partout ailleurs. Bien alléchant mais je suis quand même passé au travers pour une raison inconnue. Et il est temps de réparer l'injustice, parce que AD PATRES, ça défonce un peu quand même.

"Scorn Aesthetics" est un album qui a tout pour lui. Déjà un artwork assez sobre mais splendide, en provenance du chanteur de NE OBLIVISCARIS. Et ensuite évidemment une production d'une clarté remarquable convenant juste à merveille à la musique pratiquée.
Et la musique en question, on ne se trompe pas sur la marchandise : c'est du bon gros Brutal Death des familles qui bourre comme on l'aime et comme on en trouve certes partout outre-atlantique mais qui court pas les rues par chez nous. D'ailleurs, si les influences sont clairement palpables (SUFFOCATION en tête, mais également du bien plus frontal comme DECAPITATED ou ABORTED), un autre combo très particulier me vient systématiquement en tête à l'écoute, à savoir KRÖNÖS. Peut-être est-ce le côté français, mais si on ôte la thématique antique, il y a bon nombre de similitudes dans les manières d'aborder les compos et les couleurs des riffs utilisés. Et vu comment le groupe en question défonce et nous manque actuellement, c'est franchement pas un mal !

Toujours est-il que AD PATRES, ça y va pas par quatre chemins. Passé une intro bruitiste qui a le mérite de bien faire monter la pression, "The Lock" pète et on comprend bien à quoi on a affaire : un bon gros Brutal Death façon US et/ou polonais, mais avec des riffs travaillés, un batteur qui a compris comment il faut faire et un chant puissant aux poussées gutturales jouissives. En gros y'a tout ce qu'il faut, et un talent de composition certain qui va avec. Rien qu'à écouter LE hit de l'album, à savoir "Circles Of Red" et son ambiance sombre, sa basse bien mise en valeur, enfin voilà, rien à envier à personne et preuve qu'on peut encore composer des vrais morceaux avec des vrais riffs dedans quand on pratique un genre désormais aussi asphyxié. AD PATRES envoient des parpaings dans la gueule par paquets, en blastant très souvent (le son très pur apporte d'ailleurs un rendu des plus brutaux lors de toutes les séquences les plus rapides, tout simplement jouissif) et en taillant net. Précis, coupant, on ne verse pas dans le pilonnage gratos mais on attrape les cheveux et on tranche la jugulaire d'un coup sec. Douze fois.

Certes, l'originalité n'est pas éclatante. Pas d'éclair de génie visionnaire qui va réformer le monde du Brutal Death. Non, le propos n'est pas là. Il suffit de regarder le titre éponyme qui tabasse sans discontinuer, fait bander jusqu'au plafond par son accélération supersonique et livre sur son dernier tiers des lignes de guitares sombres parfaites, et on comprend le truc : juste offrir au monde un album de Death Metal de grande qualité. Chaque musicien s'est arraché et affiche le niveau technique requis pour scotcher, et l'ensemble est cohérent et d'une accroche remarquable. On sent la musique totalement taillée pour le live et qui va absolument tout ravager une fois sur scène (la bombe "Anti" ou la terrible "To The Fathers" plus mélodique que le reste), et c'est du coup là qu'un léger défaut intervient, lié au manque de renouvellement du tout dans les sonorités. Rien de bien grave hein, parce que bon, on oublie pas quel genre on écoute. Mais la musique jouée par AD PATRES semble toujours extrêmement logique et naturelle et sent au final trop la sueur et le sang pour qu'on se cantonne à une bête et froide écoute CD qui donne juste envie d'en découdre et augmenter le volume jusqu'à un niveau déraisonnable.

Enfin, vous avez compris le principe. Pas la peine de s'étendre pendant des siècles, "Scorn Aesthetics" n'est pas un album compliqué à décrire et anticiper tant il ne répond qu'à un unique leitmotiv : taper, et fort. En appliquant à la lettre la recette "comment faire du Brutal Death qui défonce dans les règles de l'art" de manière scolaire et sans faute. Le bon élève premier de la classe qui finit par poser une colle au professeur.
Et du coup, ça s'écoute avec un plaisir non dissimulé, très souvent, et très fort. Pas de prise de tête, pas de transcendance ni d'ambitions extravagantes, juste un album qui nous arrivera très souvent sous la main chaque fois qu'on aura envie d'écouter du Brutal Death actuel et bien branlé. En gros, foncez dessus.

Pinard : probablement le meilleur groupe de Brutal Death pur et dur en activité en France. Alors respect et soutien.