Malgré son patronyme douteux et sa relative obscurité, TREBLINKA est un groupe très important. Il s’agit en fait de la toute première incarnation de TIAMAT, rajoutant donc encore une direction étrange à la carrière déjà très mouvementée de cette légende suédoise.

L’histoire de TREBLINKA commence au milieu des années 80 alors que la scène suédoise est en pleine gestation. Très visiblement inspirées par les pionniers du Metal extrême de leur pays (respectivement BATHORY-OBSCURITY-MEFISTO) des hordes incontrôlées d’adolescents se réunissent dans la banlieue de Stockholm pour se saouler entre potes, écouter le dernier SEPULTURA et surtout passer un bon moment, loin de leur pénible réalité quotidienne. Ces jeunes boutonneux blondinets d’à peine quinze ans qu’on regarde de haut dans les couloirs du métro sont pour la plupart des futurs icônes du Death Metal : les membres de NIHILIST/ENTOMBED, UNLEASHED, MERCILESS, GRAVE, CARNAGE etc.

Parmi eux, les plus âgés, les plus respectés et probablement les plus extrêmes se nomment Johan Edlund, Stefan Lagergen, Anders Holmberg et Jörgen Thulberg : les membres d'un sulfureux groupe tristement baptisé TREBLINKA.

Un peu à la manière de MERCILESS, ce quatuor sauvage n’a pas grand-chose à voir avec le Swedish Death d’un point de vue musical (ils n'ont en commun avec eux que les amis et la volonté de bousculer). Edlund durant ces jeunes années ne voulait entendre parler que de Black Metal, ce qui se ressentira encore sur "Sumerian Cry" et dans le cas de TREBLINKA, il n’est pas question de parler d’autre chose. Corpse Paint de zombie et Metal cadavérique au programme.

Malgré le fait que Edlund, qui très vite règnera en maître sur TIAMAT, ait toujours renié TREBLINKA (à la manière de Tom Warrior et HELLHAMMER) dont il désapprouve le mauvais goût, Century Media prendra tout de même la responsabilité de sortir cette sombre incarnation de son caveau. Peut-être pour mettre fin à 25 ans de copies pirates de la musique du groupe, mais surtout il me semble pour attirer l’attention. En résulte cette méga compilation de 3 heures d’un groupe embryonnaire qui n’aura écrit au final que 10 morceaux !

Qu’on se comprenne : j’ai toujours adoré la musique de TREBLINKA, mais il faut savoir distinguer le véritable héritage du groupe (à peine présent sur le premier cd) et la démarche commerciale de Century Media de nous servir un coffret renfermant les lives et les répétitions les plus inaudibles sous le prétexte de l’exhaustivité ("Shrine of The Pentagram", 3 cds ou 5 vinyles, se voulant être une discographie complète).
Je critiquerai en conséquence chacun des trois cds séparément et vous demande de ne pas vous fier QUE à la moyenne finale.

CD1 : The Trve TREBLINKA.
Quel plaisir de retrouver enfin les deux démos du groupe avec un son parfaitement fidèle à l’enregistrement de base. Le son fumeux et ravagé fait donc justice au Black Thrash empoisonné que pratique nos Suédois. Les quatre premiers titres (de la démo "Crawling In Vomit") sont sincèrement vicieux, parfois mal contrôlés mais extrêmement malsains. "Earwig In Your Veins" est définitivement un classique du vieux Black Metal, la voix toxique de Edlund enflamme véritablement la musique de TREBLINKA.

Les quatre titres suivants (la deuxième démo, "The Sign Of The Pentagram") sont encore plus fascinants. TREBLINKA s’est débarrassé de la maigreur de son précédent méfait et propose un Black Metal encore plus néfaste, ténébreux et organique. Les guitares, désormais plus importantes et mieux maîtrisées, révèlent un véritable savoir-faire au niveau des compositions. C’est le titre "Necrophagous Shadows" que je pointerai du doigt à titre d’exemple, même si la démo possède une qualité parfaitement équilibrée.

Juste avant de se muter en TIAMAT et de produire "Sumerian Cry", TREBLINKA auto-produira un 45 tours nommés "Severe Abominations", sold-out depuis des millénaires et sur la liste de recherche de tous les chasseurs de Metal extrême.
Et c’est là que le premier bât blesse. Le son, originellement très bon (possédant une copie, je suis bien placé pour le savoir), a été véritablement massacré. Je sais que les deux démos ont été retravaillées à partir des masters originaux, mais je doute sincèrement que ce fut le cas pour les deux titres de "Severe Abominations".

Un des arguments de vente principaux de cette compilation était la disponibilité de cet EP, c’est donc un fameux plantage de gueule de la part du label allemand. Le disque 1 se termine sur une répétition de 1989 (à peine potable) et une autre de 2008, sans Johan Edlund, en prévision de la "release party" du livre "Swedish Death Metal" (de Daniel Ekerloth, qui écrit aussi l’intéressante notice du livret).
VERDICT cd 1 : 3.5/5.

CD2 : The Trve Fonds De Tiroirs of TREBLINKA
À partir d’ici, ça devrait aller plus vite. Pistes 1 à 4 : un "live At Roy" de 88, reprenant de façon bancale la première démo, entachant fameusement nos si touchantes retrouvailles au CD 1. Anecdotique (qui sera le mot d’ordre de ces deux derniers CDs et qui pourrait être appliqué plus largement à l’existence de TREBLINKA, si ils n’avaient pas eu l’influence qu’on leur connaît). Pistes 5 à 12 : "live At Vita Huset", 89. Rebelote mais avec une intro pas marrante… Désaccordé, fauché, mal mixé, mal joué, anecdotique, anecdotique, anecdotique etc.
1.5/5 (oui je suis gentil…).

CD3 : The Foutage De Gueule (of Doom) Continues…
"Live Somewhere in Stockholm"
…
Vraiment ? Sans blague ? Dois-je commenter ce concert quelque part dans la capitale de la Suède ? Même blague, encore des enregistrements que personne n’a envie d’entendre. Qu’on se comprenne encore une fois : bien sûr que j’aurais aimé être là, l’esthétique de TREBLINKA m’a toujours tapé dans l’œil et j’adore leurs enregistrements studio. Mais là nous servir cent mille fois les mêmes morceaux en des déclinaisons allant du correct au pire du pire… Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des racaillou sauvages...

Minuscule redressement de situation avec la fin du disque qui offre des outtakes instrumentales pas tout à fait inintéressantes. Certains de ces titres se retrouveront chez TIAMAT (en mieux) et les autres ne font pas vraiment mouche sans les vocalises pestilentielles qui sont pour beaucoup dans le charme de TREBLINKA.
2/5, pitié n'en parlons plus!

Il est relativement scandaleux en ces temps de crise de nous vendre à 35 ou 70 euros (cd ou vinyle) une compilation constituée principalement de bonus dont personne ne veut. Certes les démos sont très agréables à redécouvrir sous leur forme originelle, mais le reste est purement et simplement dispensable. Ajoutez à cela le merdouillage de "Severe Abominations" et vous obtenez une des plus honteuses rééditions du siècle.

Dommage car TREBLINKA mérite clairement d’être entendu, ne serait-ce que pour son importance historique, mais je me dois de vous détourner de ce triple disque et de plutôt vous redirigez vers la réédition de "Sumerian Cry", qu’on a toujours eu tort de bêtement ignoré (juste parce qu'un vilain chat roux vous a dit de le faire).