Avec "Headstones", LAKE OF TEARS abandonne le Doom Death de ses débuts et aère quelque peu son propos. Daniel Brennare, unique compositeur, inaugure un chant clair rocailleux qui pourrait faire penser à un mix de Johan Edlund et de Nick Holmes, mais sans le côté envoûtant du premier et sans la maîtrise classieuse du second cela va de soi. Il se trouve que le timbre de notre ami, s’il n’est pas sans faiblesses, colle pourtant de manière admirable à ces mélopées tristes qui éveillent en nous un certain intérêt. Autre nouveauté et non des moindres, les riffs se parent de couleurs 70’s chatoyantes et inattendues, ainsi que les claviers qui n’ont jamais été aussi bavards. Si le combo est toujours inspiré notamment par les travaux de TIAMAT, reconnaissons qu’avec cet album, il parvient par un ingénieux jeu d’emprunts auquel il ajoute un enrobage discret, à se construire une personnalité originale qui reflète une démarche souvent naïve mêlée de poésie gothique, à la fois colorée et cependant teintée d’une noirceur sous-jacente. Bref, une mauvaise adresse pour tous les amoureux de pleurnicheries dépressives ou de Doom scandinave bûcheronné.

Malheureusement et comme à son habitude, le collectif use de ses meilleures intentions sur une poignée de morceaux réussis, en laissant par la même occasion beaucoup de déchets derrière tout cela. Nos Suédois veulent bien faire, ils en ont les moyens mais la mèche semble se consumer trop vite après l’allumage, quel dommage. Précisons qu’au contraire par exemple de CEMETARY, LAKE OF TEARS parvient parfois a engendrer des fulgurances qui entretiennent in extremis son aura et son capital sympathie.

"A Foreign Road" ouvre le disque avec un riff Sabbathien efficace, néanmoins le souffle retombe rapidement étant donné que le couplet, bien que dynamique ne sera pas aussi percutant et se verra handicapé par un refrain poussif. Puis l’une des rares perles arrive enfin sous la forme de l’imparable "Raven Land", une complainte lente et mélancolique qui alterne entre des couplets acoustiques de toute beauté et des riffs inspirés.
Citons en sus l’entraînant "Sweetwater" que n’aurait pas renié PARADISE LOST et qui reste l’un des morceaux les plus convaincants du combo, faisant toujours son petit effet en live. Sa montée en puissance lors du refrain et son solo soigné contribuent à son succès mérité. Le titre éponyme, bien que d’humeur pataude du fait de son ambiance acoustique tristounette, saura trouver une oreille compatissante. Les treize longues minutes du grandiloquent et écrasant "The Path Of The Gods" sont sauvées par ses riffs marquants et pachydermiques, malgré des claviers envahissants, tandis que les autres pistes nous plongent dans un ennui profond. Entre la platitude de "Burn Fire Burn", l’affreuse nonchalance de "Twilight" couronné d’un solo de clavier pompier et ridicule ou l’abominable "Dreamdemons", les écueils sont beaucoup trop nombreux pour que nous puissions redresser la barre au final.

Les nostalgiques du style et les amateurs des seconds couteaux qui pullulaient dans l’ombre des TIAMAT et autres PARADISE LOST, trouveront ici de quoi se sustenter. En dépit de son hétérogénéité, l’opus restera donc attachant sur la longueur et conservera en son sein quelques titres recommandables. À ne pas ignorer pour qui voudrait connaître cette scène dans le détail avant tout.