18 ans, dans une vie, c'est tout de même peu. Certes, c'est environ la moitié de son existence si l'on est né au Swaziland, mais en France et dans les pays dits industrialisés, c'est à peine le quart d'une vie. Remarquez qu'en 18 ans, on a le temps de s'ennuyer. La flamboyance des sentiments amoureux peut laisser place à un "Pousse ton gros cul bobonne" des plus délicats, un nouveau défi professionnel peut se laisser phagocyter par l'établissement d'une inéluctable routine. En 18 ans, le nouveau-né devient majeur, mais le jeune père devient quadra, âge maussade entre la fringance des jeunes années et le déclin physique. Youplaboum, en 18 ans, la roue fait un quart de tour, et dans le mauvais sens, forcément.

Tout cela pour dire que LOST WEEKEND a 18 ans. Le groupe britannique, qui a débuté (forcément) dans le milieu des années 90, a dans ce laps de temps publié une petite poignée d'albums qui lui ont valu des comparaisons élogieuses avec ses aînés MAGNUM ou UFO, eux-aussi originaires du pays du toffee. Vous l'aurez compris, LOST WEEKEND pratique donc un Hard Rock "recette britannique" (donc très stoïque et mélodique), agrémenté de quelques soupçons d'AOR et de Prog', pour le côté aventureux. Le truc, c'est qu'après 18 ans de carrière, le combo semble avoir quelque peu baissé les bras, et sombré dans un marasme routinier (malgré des sorties d'albums espacées) qui ne rendent pas justice à ce "Evermore" pourtant prometteur.

La décrépitude du groupe tout au long de cet album est si subtile que les premières écoutes agissent comme de la poudre aux yeux. Introduit par l'excellent "Reach For The Sky" et ses claviers prédominants qui, effectivement, rappellent la bande à Bob Catley, le groupe nous emmène dans un univers épique mais toujours parfaitement sous contrôle, des soli de guitares (nombreux) au chant de Paul Uttley, qui manque un peu de pep's et de folie. Déjà, "Love Will Find You", à l'ambiance Hard Rock un poil forcée, soutenu par un refrain un peu cheap, peine à tenir la comparaison. Il faudra attendre la longue pièce "Falling By The Wayside", ses ambiances à la foi doucereuses et grandiloquentes, sa montée en puissance digne d'une grande power-ballad, pour retrouver un véritable frisson, du genre de ceux qui vous rappellent vos 18 ans.

Le reste n'est que littérature. LOST WEEKEND connaît son métier, et sait faire briller son Hard Rock à grands coups de polish bien placés ("Perfect Day" et ses sonorités modernes, le morceau-titre "Evermore"), mais l'ensemble sonne creux, comme dénué d'envie et d'enthousiasme. Le groupe tente tant bien que mal de donner le change, mais même poli, un titre de remplissage reste médiocre. On prend donc son mal en patience, entre les quatre très bons titres précités, à l'écoute du niais "Love Will Find You" (et ses claviers cette fois carrément envahissants), "Got To Make It Through", son ambiance inquiétante ratée, ou "Do You Remember" et ses sonorités AOR passéistes.

Lorsque l'on sait que LOST WEEKEND a écrit et composé "Spirit Of Man", l'un des meilleurs albums solo de Bob Catley, la comparaison avec cet opus est nécessairement de mise, et ne joue pas en la faveur d'"Evermore", qui se révèle un poil faiblard malgré quelques fulgurances. Après 18 années de carrière, le groupe semble un peu usé, et sa musique s'en ressent. Un album pour père de famille fatigué, en somme.

2,5/5