WINO. That’s right, les moins attentifs d’entre vous sont là maintenant tout de suite en train d’avoir la (bonne !) surprise de tomber sur un des moults et moults projets qu’a fondé l’homme lors de sa fertile carrière. Un des groupes pour lesquels une chtite piquouze de rattrapage pourrait faire l’affaire, vu que celui-ci n’a pas trop creusé son trou. Intercalé entre une première volée de projets perso tous disparus et la nouvelle fournée de trucs de l’inlassable rockeurrr (PREMONITION 13, SHRINEBUILDER plus son projet sous son propre nom de scène), THE HIDDEN HAND a eu une durée de vie trop courte (trois albums quand même). Ajoutez à ça le fait que les autres musiciens qui viennent prêter main forte à mr Wino sont de parfaits inconnus, et vous avez un groupe sympa au perpétuel statut de side-project distrayant de la part d’un gars qui a envoyé des tonnes de groupes au panthéon du Doom. Déjà bien enterré en dessous d’une couche de projets tout frais, ce serait dommage qu’on se bouscule sur l’actualité du bonhomme sans revenir célébrer un peu sa carrière relativement récente.

"The Resurrection of Whiskey Foote" est un concept album plutôt light, dont le thème central, les histoires et légendes locales du Maryland, est un poil trop spécifique pour être parlant ? Naturellement les bonshommes en charge de mettre ces histoires en riffs ne sont pas n’importe quel cul-terreux, y aurait donc moyen de transporter le fan pendant trente minutes quelque part en Ricanie pour une excursion plus coolos qu’un club Med ?

Effectivement cet album est un vrai trip, et en fait le concept exploré est super engageant, il a déjà l’énorme mérite d’éviter tous les poncifs possibles avec à la clé une musique très personnelle, assez pour vous faire rêvasser sur les petites comptines sans importance qui inspirent le trio. Avec ce thème, assez vague pour être mystérieux sans tomber dans le délire cryptique, on peut vraiment se projeter dans la musique qui se nourrit mutuellement avec le thème ancien et spirituel, laisser libre cours à son imagination, ce qui fait un album dont chaque écoute fait expérience singulière. [Spoiler : c’était le passage chiant de la chro].

Pour être plus terre à terre, ça commence doucement par une chanson mi-intro mi-pour de vrai très fluette. Une impression qui se dissipe pas même alors que la deuxième piste commence à balancer des rythmes lourds mais lents, vaguement inquiétants avec une narration toute en retenue. Du coup quand vient "Dark Horizons" qui se décide à faire parler le wock on est déjà embourbé dans une semi-transe, mais pas au sens chiant du terme ! Pensez plutôt relax, catchy comme THE OBSESSED, mélancolique à la SPIRIT CARAVAN : pas besoin d’aller chercher les références hors des anciennes productions estampillées Scott Weinrich.

Mais tout ça n’était qu’un conditionnement, "The Lesson" muscle l’approche, entre torpeur dont il ne te tire pas tout à fait et soli lointains. Là c’est le moment où il me reste encore la moitié de l’album à décrire mais où je brise le flux de la kro’ pour le formuler des fois que ce soit pas clair - yep, cet album tue, j’aurais l’occasion de le répéter par la suite jusqu’à ce que ça rentre ! "The Lesson" donc : à ce point l’album est dorénavant bien installé, c’est le moment où idéalement tu croises les doigts sur ton ventre rempli de bière tiède et que tu te laisses aller jusqu’à la dernière note et la dernière histoire racontée pour aujourd’hui. "Majestic Presence" est plus maugréant, genre humeur de barde « hobo » maussade, toute une ambiance, du gras qui te vient du vieux, du rural, du Rock énervé qui prend le temps. C’est de ce côté que je trouve que le combo parvient à élaborer un certain mysticisme, qui s’impose pas avec des gros sabots psychés mais qui est quand même bien là à roder.

Mais je parlais que de rythme de croisière à ce stade, pas de point culminant. L’interprétation est encore plus prenante sur la deuxième moitié de l’album, notez la progression douloureuse du morceau-titre, dont la fin assez magnifique illustre le mieux le concept vaguement mystique du groupe à coups de refrains plus mouvementés répétés jusqu’à gorge sèche, qui basculent presque du côté du prêche à ce moment. "Lightning Hill" fait encore mieux pleurer sa gratte tout du long, et garde la même force quand il s’agit forcément de montrer les crocs et de finir dans plein plein de crashs de cymbale. La piste suivante est du même acabit, j’aurais bien cité son titre aussi rien que pour les délices qu’il évoque si j’avais pas fait sauter mon quota de guillemets pour la chro’. Bondissements, pauses, précipitation, amertume, assemblez une phrase vous-mêmes. Et "Slow Rain", elle est bien ? Elle est bien…

Je viens de faire du track-by-track ? Hell yeah ! Bref bref THE HIDDEN HAND réalise un album qui évoque les histoires les plus improbables pour t’enchanter, vraiment un album subliminal qui passe mine de rien comme un bon grand moment sans être monolithique ou quoi que ce soit et sans avoir une structure si différente d’un album revendiqué « basique ». J’aurais même tendance à trouver ça plus accessible et moins linéaire que d’autres Wino-projects, y a une chaleur en plus, c’est saupoudré de psychédélisme illuminé, sudiste mais pas ostentatoire, rage et pudeur. Une rêvasserie empruntée à SPIRIT CARAVAN en compressant le tout ? Un Stoner plus frontal, authentique, gras, terreux. La seule référence par laquelle on ne passera pas ce sera bien SAINT VITUS, qui propose un genre d’intensité très différente.

Cet album reflète un projet ambitieux et singulier, et le groupe aurait largement mérité que Wino s’y investisse sur quelques autres albums pour explorer un peu plus cet aspect de sa musique. THE OBSESSED a refait des concerts, c’est ptêt le moment de dépoussiérer ce projet, à moins qu’à force de jouer dans trop de trucs Wino a simplement oublié l’existence du bousin ? En tout cas valà en gros ce que c’est que THE HIDDEN HAND, dont les deux autres albums (2003 et 2004) parait-il sont d’un autre niveau encore. Je vous tiens au courant.