Petit exercice d'imagination (vous pouvez fermer les yeux si ça vous aide, ce qui est plutôt malin comme conseil vu que vous me lisez). Tout d'abord, plantez le décor: la Nouvelle-Orléans. Puis, prenez le son de KYUSS, cru, tout droit sortit du garage. Combinez-le à l'approche novatrice et humide des MELVINS. Ajoutez un sens assez aigu du groove lancinant et du riff qui racle. Voilà, vous avez SUPLECS ! Facile hein ? Bon c'est sûr, ça demande un effort de faire la synthèse de tout ça, mais cette vue de l'esprit a le mérite d'être peu éloignée de la vérité.

Actif depuis 1996, le trio de Crescent City (dont le bassiste officiait chez EYEHATEGOD) ne sort ce premier album qu'en avril 2000, chez Man's Ruin Records, le label de Frank Kozik (graphiste de renom). Pas de quoi fouetter un chat (haha, elle est bonne celle-là...). D'ailleurs, pour ses débuts, le groupe ne dispose que de peu de moyens, d'où le son plutôt crade et la production faiblarde de « Wrestlin' With My Lady Friend ». Et c'est ce qui fait tout le charme de la chose, ce petit côté granuleux qui confère aux compositions une réelle authenticité et un certain cachet.

Passé ces considérations, il ne reste plus qu'à faire hurler les enceintes et à apprécier tout le talent de la bande à Durel Yates qui nous gratifie d'une entrée en matière particulièrement impressionnante, « Stalker ». Tout ce qu'il y a de plus représentatif du style SUPLECS: râpeux, chaloupé, ou comme dirait Bruce Campbell, « groovy ». Bref, ça balance du tonnerre, ça explose le clavier, ça dézingue sa mémé...Si avec ça vous n'avez pas pigé l'idée !
« 155 », c'est la minute speed pour bien enfoncer le clou, s'assurer que le message est passé, avant d'en rajouter une couche dans le massif avec « Dope Fu » où Yates prend un malin plaisir à égarer l'auditeur dans le marais embrumé à coup de breaks et de virages en épingle. Vicieux et imparable, à s'exploser la tête contre un pilier. Dans la même veine, on pourra citer « Road To Nowhere » ou « Into The Rut », tout aussi jouissifs. Pour ceux qui aiment le répétitif, le redondant, le truc qui martèle le sol mille fois au même endroit tel un rhinocéros unijambiste, je ne saurai que leur conseiller « Eastwood », bel exemple de pesanteur primaire, au même titre que « Rampage », à peine plus varié.

A dire vrai, ce disque comporte très peu de déchets, voire aucune mauvaise piste, juste quelques titres plus dispensables comme « Fish On A Highway » ou « 2000 Leagues ». On pourra également juger « Moped » un peu longue ou soutenir que « Pissin' In The Wind » n'est pas ce qu'on pourrait appeler un final digne de ce nom.
Mais à aucun moment la qualité de l'ensemble ne pourra être remise en question et « Wrestlin' With My Lady Friend » n'aura pas volé ses nombreuses critiques élogieuses. Ce qui permettra d'ailleurs à SUPLECS de disposer d'un meilleur matériel et d'aborder plus sereinement l'avenir. Et ce n'est que justice.