Avant l’éclosion du plastico dragon metal, la scène italienne manquait singulièrement d’arguments. Et SADIST, plus encore que LOUDBLAST en France, fait figure d’icône indéboulonnable pour toute une frange de musiciens locaux. Quoi de plus normal lorsqu’on sait à quel point Above The Light fut applaudi à sa sortie, et le groupe vite intronisé nouvelle figure du death metal technique cher à DEATH, ATHEIST et consorts.

Alors que trois ans plus tard, toute la scène s’est pendue (DEATH, ATHEIST, NOCTURNUS, PESTILENCE et CYNIC ayant splitté), SADIST revient galette au bras. Vite, la question du style se pose. Le death metal n’est plus et les délires techniques, parfois abracadabrantesques de certains n’ont jamais connu d’écho public favorable (seul DEATH parvenant à des chiffres de ventes corrects). Alors, SADIST est-il passé chez le relookeur? Et Tribe ressemble-t-il à Dusk And Her Embrace ou Adrenaline? L’interrogation est légitime mais la réponse est «quoi ?».
Si la formation Génoise est bien tombée dans la marmite neo metal, elle a, avant d’effectuer l’irrémédiable plongeon sur Lego, et comme lui a dit sa maman, commencé par tremper délicatement sa nuque sur le dénommé Crust, son troisième lp. Quand à Tribe, si les éléments death le constituant ne sont pas légion, sa parenté avec Above The Light reste suffisamment évidente pour ne pas crier au scandale de la mutation contre-nature.

Je ne porterai pas l’accent sur le changement de vocaliste, qui apporte inévitablement une couleur nouvelle au chant, plus sec et décharné, mais qui ne permettrait pas à lui seul de parler d’évolution. Car évolution il y a. Et si les influences semblent rester les mêmes (quelques-uns des groupes cités en tête de deuxième paragraphe), la place nouvelle accordée aux claviers devient synonyme de personnalisation du processus de composition. Bien sûr, quelques schémas synthétiques un peu abscons rappellent immanquablement Focus et Spheres. Cessons pourtant là toute comparaison, le quatuor italique mérite mieux qu’une simple analyse de ses ressemblances avec des ouvrages existants.

Ces fameux claviers explorent des territoires très variés, de l’espace infini à des contrées d’une totale étrangeté en passant par l’Italie baroque (Den siste Kamp). Même si leur direction est multiple, cette prise de possession d’un disque sur lequel les guitares tiennent presque lieu d’accompagnateur réservé assure à Tribe une unicité savoureuse. Les instruments à cordes savent encore jouer et nous inviter à quelques ébats raffinés mais les touches blanches et noires dictent bien leur loi, une loi aux quelques articles un peu confus ou amphigouriques, aux allures de règlement de carnaval. Donc une loi originale, qui n’est pas l’amalgame d’autres édits écrits auparavant, une loi forcément intéressante, d’autant plus que ses rédacteurs sont des experts et des techniciens hors pair, au talent suffisant pour ravir le chaland amateur de bizarreries extrêmes.

Revenons pour conclure et malgré ce que j’ai pu dire sur Focus et Spheres, bien peu de gens ont su apprécier ces deux œuvres singulières, mais il serait déconcertant que ces rares personnes ne trouvent pas en Tribe une certaine satisfaction, équivalente ou pas, à chacun de voir, à celle qu’ils ont reçu en découvrant l’unique album de CYNIC et le chant du cygne de PESTILENCE, une satisfaction en tout cas bien réelle.