1970. Une décennie marquée par le mouvement hippie prend fin. Fin d’une belle utopique « peace and love », le monde semble toujours aussi sombre. Pendant ce temps, EARTH, qui va se renommer BLACK SABBATH, est sur le point de sortir son premier album, qui va puiser dans le climat morose de l’époque qui s’installe. La source pour un nouveau courant musical.
Still Falls The Rain. Tout est dit avec la première chanson éponyme, qui restera à jamais dans le panthéon du rock. La pluie arrive, l’ambiance brusquement s’assombrit, la cloche sonne. Puis arrive ce riff monolithique de Tony Iommi, utilisant le fameux triton moyenâgeux. Ozzy Osbourne s’invite ensuite, et commence ses incantations. Il chante le célèbre « Figure In Black », qui fait référence à Satan. La basse de Geezer Butler et la batterie nuancée de Bill Ward soutienne l’édifice inébranlable, braqué sur son tempo ultra lent. Arrive alors un break, où tout s’accélère. La guitare se lâche totalement et on se noie dans ce fuzz très 70’s. Ozzy implore « No ! No ! Please ! No ! » . L’orchestre continue de résonner jusqu’à se taire complètement… Le heavy metal est lancé…
BLACK SABBATH vient de définir un style musical en un morceau de 6 minutes. Que dire ensuite ?? Bien sur, il ne faut pas oublier de parler du classique "N.I.B.", avec son intro de basse avec wah, où l’on remarque le jeu varié de Geezer Butler. On ne peut omettre le premier single du groupe, le dansant "Evil Woman" (qui est une reprise d’un groupe de blues) ou le très psyché "Behind The Wall Of Sleep". BLACK SABBATH visite de nombreux styles différents. Sa musique semble issue d’un mélange bâtard regroupant principalement rock lourd, blues et jazz. Comme sur "The Wizard" (la deuxième reprise de cet album), où l’on entend un harmonica bluesy. "Sleeping Village" est un autre exemple de la variété stylistique de ce premier album : une intro folk avec guimbarde, puis un riff rock heavy, dans lequel s’y glisse un solo improvisé de Tony Iommy.
Car les improvisations sont nombreuses ici. On peut les dénigrer en révélant qu’elles ne servent qu’à combler un vide dans les compositions. Mais elles sont les reliques d’un feeling rock ‘n’ roll bien vivant, que feront vivre plus tard à leur manière des artistes comme Angus Young ou Lemmy Kilmister. "The Warning " s’étend sur 10minutes, et comporte plus de 7 minutes de solo très « jam-sessions », pour déboucher sur un riff country. Et c’est là l’origine du heavy metal et du rock en général : une impro sans fin… "Wicked World", un hard rock léger, clôture l’album. On apprécie la complicité entre Tony Iommi et Geezer Butler, et les roulements de Bill Ward. La voix étouffée d’Ozzy donne un charme vintage au tout. Un bref larsen et c’est fini.
On prend alors conscience de l’étrange ambiance qui s’était immiscée durant l’écoute. Comme un reflet des quartiers populaires tristes d’un Birmingham industrialisé, décrit dans le dernier morceau, dont les musiciens sont originaires. Comme représentant à merveille cette pochette d’un paysage au crépuscule, où apparait ce sinistre personnage (la légende veut qu’il ne fût pas sur la photo d’origine, mais qu’il soit apparu après l’impression…). Le groupe paraissait sinistre à l’époque, et choquait l’Angleterre puritaine à cause de son pseudo lien avec l’occultisme, entretenu par leur maison de disque. Black Sabbath était influencé par la magie noire de l’époque, incarnée par Dennis Wheatley ou Aleister Crowley, ainsi que par la fantasy, comme en témoignent les références à J.R.R. Tolkien et H.P. Lovecraft. On constate que cet univers sombre est resté vivace encore maintenant.
Un petit mot sur l’édition remasterisée. Elle est de très bonne qualité, le son permet de distinguer chaque musicien, tout en laissant un côté 70’s. Le livret est superbe, avec les paroles et l’histoire de l’album, qui aura été enregistré en 3 jours seulement, en condition live. Le début d’une collection que tout metalleux se doit de posséder.
Ainsi j’achève mon commentaire sur ce disque, qui récolte 3,5/5. La note n’est pas forcément à prendre en compte pour décider de l’acquisition de Black Sabbath. Toute personne s’intéressant au metal doit avoir ce disque. Point. On peut regretter des passages moins prenants que certains, mais rien que pour le titre éponyme, cet album reste indispensable.