L’Angleterre et le Thrash Metal n'ont jamais vraiment fait bon ménage. À croire que le pays de Churchill fut si fertile en matière de Punk et de Heavy Metal qu'il lui fallut attendre et se ressourcer pendant les années Thrash. Certes, on retiendra pour le meilleur SABBAT et ONSLAUGHT, dont l'agressivité teinté d'occultisme sut plaire à de nombreux amateurs, autant on préfèrera oublier pour le pire XENTRIX, ACID REIGN ou TORANAGA, dont les quelques essais franchement ratés ne parvinrent à redorer la blason du pays dès lors complètement dépassé en matière de Metal. Mais toute règle a ses exceptions et si la règle dit que le Thrash anglais ça pue, DEATHWISH se présente alors comme le plus beau doigt d'honneur fait à une règle.

Ce quatuor anglais naquit une beau jour de l'été 1983 et se vit donc directement forcé de se la jouer solitaire, au vu de la pauvreté de la scène de son pays. Mais DEATHWISH ne comptait pas se laisser démoraliser par le paysage désertique et était au contraire bien déterminé à faire savoir au monde qu'il avait du génie à revendre, et pas qu'un peu ! Car, autant le dire de suite, "At the Edge Of Damnation" est simplement le meilleur album de Thrash anglais et très certainement un classique oublié du genre. Particulièrement boudé par l'histoire, probablement à cause d'une distribution relativement médiocre, vous prendrez un malin plaisir à placer le nom "DEATHWISH" dans les conversations Thrash et d'ajouter ensuite "Quoi, tu connais ? Putain mec mais c'est un classique !".

"At The Edge Of Damnation" possède donc une énergie qui lui est propre. Loin d'être un clone des canons stupides du genre (pensez "Big Four" et puis riez... ou pleurez c'est selon), cet album parvient à combiner la force mélodieuse de "Show No Mercy" (qui est, je le rappelle, le meilleur album de SLAYER, pour ceux qui en doutent encore), la rapidité destructrice de "Sentenced Of Death" (qui est, je le rappelle, le premier EP de DESTRUCTION, pour ceux qui en doutent encore) et la lourdeur bourdonnante de DISCHARGE (qui tue sa mère, mais ça personne n'en a jamais douté, donc pas besoin de le rappeler).
Dès les premiers riffs de "In the Name Of God", le morceau introducteur, on croit entendre le tonnerre et l'orage se rapprochant au loin. On se laisse très vite emporter par les coups de guitares ultra catchy de Dave Deathwish dont la richesse crée un effet de directe addiction. Après chaque morceau on en redemande plus et après chaque morceau on est mille fois comblés par le suivant. D'où le caractère si "réécoutable" de cet album.

De sa voix incroyablement posée mais au registre très varié, John Van Doorn fleurit chaque morceau dont les refrains font mouche à tous les coups. Le titre "Exorcist" est une belle représentation du savoir-faire de ce grand monsieur dont la maîtrise et la justesse sont exemplaires, car ce chanteur parvient toujours à compléter les compositions et jamais ne cherche à se détacher de l'ensemble. Ajoutez à ce même morceau un solo de guitare hallucinant et des riffs tronçonneuses, vous obtenez alors un hymne Thrash à la sauce DEATHWISH. Tous les musiciens de DEATHWISH se battent en effet pour la même cause et chacun connaît la meilleure façon d'épauler et d'assister l'autre. C'est cette association impeccable des membres du groupe qui font qu'aucun morceau de l'album ne paraît plus faible par rapport au tout.

Il y a bien sûr, quelques hymnes de la mort qui se démarquent avec évidence. Je pense par exemple au morceau "Dance Of The Dead", dont le refrain à la guitare procure un tel plaisir auditif qu'il se range immédiatement aux côtés des grands morceaux du Thrash primaire comme "Black Magic" ou "Suck Your Bones" (signé VOÏVOD). "Dance Of The Dead" ou comment introduire la mélodie dans les structures ultra-bourrines du Thrash Metal. Pour revenir au sujet de la complémentarité, le titre "Leaving Your Life Behind" est un exemple parfait d'harmonie entre un chanteur et un guitariste Thrash, les enchaînements refrains-soli sont d'une intensité à faire fondre la banquise mieux encore qu'une bande de manchots en plein barbecue. Des structures à tiroirs en veux-tu en voilà, des compos basse-batterie-guitare tenant du simple génie, tout headbanger qui se respecte se doit un jour dans sa vie de se décrocher le cou sur "Leaving Your Life Behind". Que dire enfin de ce final incroyable de neuf minutes (!) d'intense plaisir Thrash, le bien nommé "Forces Of Darkness", on avait pas vu telle audace dans le genre depuis "At War With Satan" de VENOM !

Vous l'aurez compris, "At The Edge Of Damnation" est une machine à riffs inopposable. Classique instantané dans le répertoire des amateurs, il en impressionnera plus d'un par sa virtuosité et son absence de défauts. Il est temps aujourd'hui de déterrer ce classique oublié, de le consommer et de le partager sans modération. Avec en bonus une pochette hyper classe et une atmosphère obscure, cet album ne pourra que vous fasciner. Sortez les sparadraps, ça va saigner.