Dans un monde où l'habit ferait le moine encore plus que dans notre société basée sur les apparences, mes compatriotes de END IS NEAR ne feraient pas long feu sur la longue et périlleuse planche de pirate qu'est l'univers métallique. Cette pochette approximative ne se classe effectivement pas dans le palmarès des meilleures réussites. Il vous faudra donc passer outre et, comme ce premier album-concept des Québécois, aller voir ce qui se passe derrière le décor, dans les coulisses de la société contemporaine. Vous y découvrirez alors comme moi un groupe qui a envie de perpétuer la tradition du Death Mélo scandinave, mais à sa façon.

Je dois avouer que l'idée du théâtre avec marionnettes (nous) et mauvais comédiens (ceux qui tirent les ficelles) est vieille comme le monde. Enfin, la métaphore. Sauf que lorsque la musique l'évoque, pas seulement les paroles genre Ça va mal sur la planète, on se croirait en plein cinéma de série B avec scénario de merde et tristes sires pathétiques, on pardonne. Et c'est exactement ce que END IS NEAR propose avec cet album bien balancé, respectant le concept de départ, soit faire passer l'humanité pour les connards de bouffons qu'ils sont. Et ils le font bien. Les références sont là, les samples pleuvent et contribuent à garder vibrante cette corde fantaisiste, du lever jusqu'à la chute du rideau, sans tomber dans le Metal cirquesque.

Le parcours que l'on traverse sur "Beyond The Theater" est ainsi savamment balisé. Il faut bien le comprendre pour apprécier l'album, concept oblige. Les trois premières pistes réchauffent la salle avec talent, offrant un Death Mélo rageur, direct ; guitares tranchantes, batterie galopante, chanteur bien gueulard et synthé omniprésent venant bénir l'assemblée. On nage en eaux connues, ça va, ne reste plus qu'à apprécier les riffs et mélodies que le combo déploie. Pas manchots pour deux cents, les Québécois font rapidement oublier qu'ils n'en sont qu'à leur premier méfait avec une pluie de breaks et de sonorités différentes. J'adore notamment la guitare traînante sur le refrain de "The Convenant" et l'air de défi de "Demon's Horn". La table est donc mise pour que le spectacle débute, d'une accessibilité égale à l'originalité du groupe, pour que le théâtre déjà enflammé livre sa performance.

END IS NEAR ne lésine alors pas sur les arguments pour justifier le prix du billet. Autant le milieu d'album que la clôture sont pimentés de bons moments, tels que "Epitaphs Feild" et ses nappes de synthé facilement reconnaissables et sa section rythmique rafraîchissante, le feu roulant qui suit, ainsi que "The Path Of The Wicked" et ses effets de synthé ramenant une fois de plus au thème. Les trois dernières pistes sont tout aussi agréables, avec "Juggler Of Life And Death" et son début en chœur et riff inquiétant, "Instinct Of Tragedy" et sa mélodie… tragique, ou le refrain sombre de "Cerebral Abortion". Efficace, pas trop pompeux, le strict maximum…

Vous reconnaîtrez des références évidentes, surtout au niveau du synthé, mais vous risquez de vite décrocher du mode stéréotype. END IS NEAR, grâce à cette empreinte théâtrale amenée principalement par le synthé/piano, se distingue aisément de la concurrence. Loin de crier au génie baroque ou à une orgie symphonique délirante, on devra admettre que le combo suit le fil de ses pensées et nous y fait entrer sans nous casser un bras. Il vous faudra sûrement de nombreuses écoutes pour justement séparer END IS NEAR du ramassis d'entités Death Mélo officiant du nord au sud, mais lorsque ce sera fait, je vous garantis une expérience archi plaisante. On se trouve vraiment au théâtre et le synopsis ne déclenche pas les railleries ou les bâillements. Que le respect et les applaudissements, sans exagération ou intronisation.

Autre point intéressant, surtout pour un premier skeud : la facture très pro de "Beyond The Theater". Le terme production commence certes à soûler, aussi résumerai-je ma perception de la qualité du rendu studio par ces simples termes : clarté et équilibre. Aucun instrument ne prend le pas sur un autre, on est capable de décortiquer le travail des Québécois sans se cisailler les oreilles. Bravo, vraiment.

Dire que de jeunes groupes de qualité comme ça proviennent de ma province me rend très fier. Ce que je déteste par contre est que l'industrie musicale québécoise ignore leur talent. Nul n'est prophète en son pays, évidemment, aussi cette chronique permettra-t-elle peut-être de réparer cette injustice.

Impressionné je suis.