Pyrrhon a vécu plusieurs années au camp et dans l’entourage d’Alexandre ; il a été rigoureusement contemporain de l’extrême avancée de l’histoire ; il a vu quel est l’énorme pouvoir de la volonté humaine, qui peut, par sa seule décision arbitraire, changer la face du monde. Nul philosophe ne fut jamais mieux placé pour saisir le fond des choses humaines.

C'est ça qu'on trouve quand on ne tape pas « Pyrrhon music » sur Google. Assez instructif quand même, car lorsqu'on se met à écouter le premier album des New-Yorkais, on comprend mieux la haine qu'ils dispensent. C'est-à-dire une colère contre l'humanité qui, contrairement aux enseignements du philosophe grec, a perdu sa volonté et se mord la queue en essayant de la retrouver. Voilà donc le sens caché du titre « Un excellent serviteur mais un maître terrible » ; l'humain incapable de prendre les bonnes décisions qui s'imposent pour renaître de ses cendres et mener la planète sous de meilleurs auspices.

Trêve de philo, si vous voulez plus de détails, écoutez le monologue à la fin de "A Terrible Master". PYRRHON joue du Death Technique d'une sourde fureur, d'une obscure violence. Il retient plus d'un ULCERATE pour les constants et éreintants changements de rythme ou d'un OBSCURA pour les jeux de gratte (la facette « cosmique » en moins). Ne vous attendez donc pas à de virulents déferlements derrière les fûts ou à des guitares supersoniques possédées par quelconque esprit extraterrestre, le jeune groupe est plus intello qu'autre chose. C'est pourquoi, par exemple, après de grosses parties de shred, Dylan DiLella n'hésite pas à baisser le volume au minimum pour laisser chuchoter son instrument, tandis qu'Erik Malave et Alex Cohen achèvent de tresser ce panier atmosphérique ("Gamma Knife", "A Terrible Master") proche d'un jazz mortuaire.

Parmi les influences de PYRRHON, on retrouve des têtes : IMMOLATION, DEATH, GORGUTS, NEUROSIS, MORBID ANGEL, ATHEIST, etc. Et ça s'entend, surtout quand on mixe, disons, ATHEIST et NEUROSIS, ce mélange de technicité et de noirceur, de suie et de torpeur. Le quatuor n'hésite pas non plus à infliger une bonne rasade de Sludge à sa musique, de quoi la rendre encore plus organique, méchante, aqueuse. Les ralentissements que tout cela entraîne nous force à être patient, à s'attendre à tout, à ne pas dormir sur nos lauriers. PYRRHON n'a pas l'air d'aimer les structures rigides de toute manière (le paroxysme est atteint sur "A Terrible Master", ouf, ça décoiffe !), donc ne soyez pas surpris de croiser un refrain punk scandé en chœur, une voix déformée, des cordes psychédéliques ou des soli débiles (celui de "New Parasite" est quelque chose…) dans le lot, "An Excellent Servant But A Terrible Master" prêche pas une grande diversité. Les habitués de la scène new-yorkaise, une des plus importantes aux États-Unis en ce qui à trait à recherche et à la création métallique, baigneront dans l'huile.

À travers cette forêt de riffs malins ("New Parasite", "The Architect Confesses", "Flesh Isolation Chamber") et de sentiers tortueux, on retrouvera aussi de petits défoulements bienvenus tels que les excités "Glossolalian" et "Correcting A Mistake", ou du barbare "Idiot Circles". Sans oublier que les Américains se gâtent avec leurs deux dernières plages, plus longues et complexes, où on croise le PYRRHON profond qui a envie d'expérimenter. Et de foutre la merde, car le chanteur Doug Moore, qu'il gueule, hurle ou rappe, est tout simplement énorme. Il faut répondre à cette invitation à se battre, mes amis !

Gageons que le prochain skeud en jettera, car celui-ci draine une tonne d'énergie tout en insufflant une grosse dose !

Note réelle : 3,5/5.