Il y a de ces albums qui traînent durant des lustres sur nos tablettes et qui ont besoin sans cesse de nous rappeler de ne pas les oublier. Des albums qui passent sous le radar, des témoins d'une autre époque ou à cheval entre deux. Et comme la vie fonctionne souvent en vagues, en modes, on oublie les trucs qui sont arrivés en dehors de ces vagues, on les ignore simplement parce que le fer s'est refroidi car non battu pendant qu'il était chaud.

ATRITAS était probablement un des groupes les moins « in » en 2004, à la sortie de ce "Where Witches Burnt", du Black Sympho/Mélo tombant des années trop tard dans les bacs et quelques hivers avant la résurgence du style, surtout dans les pays émergeant métalliquement. C'est cruel de penser comme ça, mais c'est la vérité ; ce premier skeud des Suisses est né dans un creux de vague et ATRITAS n'a pas reçu toute l'attention qu'il aurait pu mériter. Mais… la mérite-t-il ? Le Black Sympho crado typé 90's avait-il à ce moment encore quelque chose à dire, alors que les ténors du genre se faisaient la malle ?

La réponse est oui. ATRITAS est un bon groupe de Black Sympho. Pas un excellent, mais il répond avec diligence aux standards du genre. Son dernier disque, "Celestial Decay", m'a toutefois moins convaincu que les deux premiers, dont celui-ci, une offrande noire et pestilentielle aux compositions charnues et accrocheuses. On est loin du nec plus ultra à la EMPEROR, évidemment, la formule incantatoire d'ATRITAS s'apparentant davantage à des groupes tels que MYSTIC CIRCLE. Un Black Sympho tape-à-l'œil avec synthé kitsch, de bonnes frappes derrière les fûts, une basse monstrueuse et des guitares aux mélodies faciles mais aguicheuses. Allez, je ressors le terme de ma besace passe-partout : « efficace ».

Vous connaissez la chanson : une voix de goule (ou serait-ce de sorcière brûlée comme OBTAINED ENSLAVEMENT ?!) couchée sur des ondées d'une musique fantastique (dans le genre imaginaire) créant des univers féériques si loin de nous… Une musique virulente passant surtout par la vélocité de la batterie et des grattes jonglant avec les riffs mélodiques et les trémolos. Une musique qui « change le mal de place » et conforte l'esprit dans un état second, dans les limbes d'une fiction fertile. ATRITAS, surtout sur cet album, accouche d'un petit démon équilibré nourri à tout cela, épaulé par un excellent mix et une production renvoyant aux belles années du Black Sympho underground, sans heureusement noyer les tympans dans une vase imbuvable. Non, je vous dis, les Suisses ont mis à profit leurs sept années de préparation, ponctuées de quatre démos, afin de percer le marché avec une conviction certaine.

"Where Witches Burnt" a surtout le mérite de s'écouter en boucle sans ennuyer, ce qui, en Black Sympho non hollywoodien, revient à dire que le marchand de miracles a sonné à votre porte. Je sais, je suis méchant. Mais j'ai si souvent été déçu par les innombrables groupes dont tout le monde se fout (ATRITAS y compris), que je me permets toutes les libertés.

Mon plus grand espoir – en plus de prier pour que les Suisses retrouvent cette qualité sur leur prochain album – est que le renouveau Black Sympho pousse plusieurs amateurs à jeter une oreille sur ce brulot. Question de savoir comment le style a évolué et n'a jamais, dans le cœur des purs et durs, disparu de la surface de la Terre. ATRITAS nous montre ici pourquoi.

Note réelle : 3,5/5.