Cette remarque ne surprendra personne : Arjen Anthony Lucassen aime la musique. Partant de ce constat facile à établir, on le voit mal se séparer de ce moyen d’expression privilégié. Alors que "01011001" clôt la saga AYREON, le Hollandais trouve une astuce pour retarder encore un peu la conclusion de cette passionnante histoire. Quelques mois à peine après la sortie de "01011001" paraît une compilation, joliment intitulée "Timeline". Reprenant des chansons tirées de chaque album d’AYREON, ce très beau coffret se fend d’un titre inédit, "Epilogue: The Memory Remains". Comme son nom l’indique, il s’agit de l’ultime pièce du puzzle développé depuis 1995.
Fidèle à sa tradition de découvreur de talents, Arjen Lucassen convie à cette occasion Jasper Steverlinck, chanteur et guitariste du groupe belge ARID. La collaboration semble bien se dérouler, puisqu’un an plus tard, on retrouve le jeune prodige pour un nouveau projet, GUILT MACHINE. A ses côtés officient Chris Maitland, ancien batteur de PORCUPINE TREE, ainsi que Lori Linstruth, que l’on ne présente plus. A présent compagne et manageuse de d’Arjen Lucassen, c’est elle qui se charge de l’écriture des paroles, inspirées de sa propre expérience de la dépression.
AYREON est mort, vive GUILT MACHINE. Un nouveau départ en guise de catharsis, mais qui ne fait pas table rase des acquis passés. Ainsi, outre les musiciens qu’il aligne, ce nouveau projet, de "01011001" à "Timeline" et de "Timeline" à "On This Perfect Day", est davantage dans la continuité d’AYREON qu’une création ex nihilo.

Les habitués seront donc en terrain connu, le style étant proche d’AYREON, avec ses sonorités ô combien familières. Cependant, plus sobre, plus concentré, GUILT MACHINE, tout comme l’avaient fait STAR ONE et surtout STREAM OF PASSION, parvient à s’extirper de son statut d’excroissance et se forger une identité bien définie.
Facteur le plus important de cette émancipation, Jasper Steverlinck illumine le disque de bout en bout. Véritable révélation, son chant impressionnera même l’ayreonaute le plus blasé, pourtant habitué à entendre les plus grandes voix du milieu. Peut-être moins frappantes, mais toujours convaincantes, les performances des trois instrumentistes ne sont pas en reste.

L’album, long de presque une heure, prend le temps de développer ses idées, les chansons durant entre six et onze minutes, autant dire qu’Arjen Lucassen a encore succombé à la tentation progressive, et ce n’est pas pour nous déplaire.
Trouvaille intéressante, "On This Perfect Day" est émaillé de petites phrases enregistrées par des fans. Au nombre de dix-neuf, ces messages représentent diverses langues du monde : anglais, japonais, italien, suédois, finnois, bulgare, etc. Félicitations à l’auteur du passage en français, si d’aventure il nous lit ! Plus de deux cents messages ayant été envoyés, une sélection a dû être opérée. Les candidats recalés se sont néanmoins vu offrir une piste bonus regroupant l’intégralité des enregistrements, présente sur le DVD de l’édition limitée. Ce respect désintéressé de l’auditeur, marque de fabrique d’Arjen Lucassen, fait toujours mouche.

Certes, quelques esprits chagrins pourront reprocher à cet album une certaine similarité avec les œuvres passées de son auteur, mais ce serait occulter des qualités qui ne se limitent pas qu’à des lignes de chant extraordinaires. Sombre sans tomber dans le pathos, passionnant d’un bout à l’autre, "On This Perfect Day" apparaît comme la synthèse d’une carrière bien remplie et qui n’est pas près de s’arrêter, j’en veux pour preuve le second album de STAR ONE, sorti l’an dernier.
De plus, là où "01011001" avait tendance à trop s’éparpiller, "On This Perfect Day" est parfaitement équilibré et constitue sans doute l’un des meilleurs albums du géant hollandais.

GUILT MACHINE réussit donc à faire oublier la mise entre parenthèses d’AYREON et à prouver qu’Arjen Anthony Lucassen et ses (nombreux) amis ont encore de beaux jours devant eux.