La fougue des jeunes musiciens métalliques modernes n'empêche pas de vieux vétérans tels que Dan Swanö de continuer à composer de la musique inspirée et rentre-dedans. Une réputation, ça s'honore. La preuve est ce 3e album en quatre ans de DEMIURG, un de ses nombreux projets qu'il partage notamment avec deux autres mecs plutôt occupés, Rogga Johansson (BONE GNAWER) et Ed Warby (HAIL OF BULLETS, 11TH HOUR). Il met aussi en vedette la nouvelle chanteuse du groupe Gothique néerlandais à succès AUTUMN, Marjan Welman. L'entité fondée en 2006 est possiblement, grâce à ce disque, une des plus riches à laquelle Sawnö ait participée.

DEMIURG joue du Death Metal old school, mais chaque riff est trempé dans de l'acier tout juste sorti de l'usine. Ses géniteurs ont surtout réussi à assortir vieux Death de garage avec des matériaux peu communs au style et c'est possiblement le plus grand tour de force que "Slakthus Gamleby" allonge sur l'étal. Si bien sûr on met de côté les rythmiques endiablées de chaque morceau, individuellement dissociable d'un assortiment précis et concis ; aucune perte sur cet album, ne cherchez pas de tiraille dans ce steak de buffle, vous n'en trouverez pas. Près de 40 minutes pour huit pistes chargées à ras-bord, le format est étincelant et crée un réflexe de réécoute presque immédiat.

Parmi les étrangetés que DEMIURG se plaît à saupoudrer à droite et à gauche, impossible de ne pas déceler ces plans de clavier occasionnels de Swanö, qui, sans approcher le groupe du Death Mélo suédois, lui confère une couleur chatoyante très rare en Death brut. Certes, l'opus est archi mélodique et les claviers ne viennent que renforcer cette impression de luminosité artificielle (sur la pièce-titre, "Death Grasp Oblivion" ou "The Cold Hand Of Death", "Cold Skin" et "World Burial") dans la noirceur naturelle du cœur de DEMIURG…

Mais gardez en tête qu'il est avant tout forgé dans la Montagne du destin du Death gras. Vous connaissez Swanö de toute façon, le type aimait/aime toucher à tout dans son style de prédilection, que ce soit en compagnie des malabars de BLOODBATH, avec son projet plus progressif EDGE OF SANITY ou dans l'éternel monument DIABOLICAL MASQUERADE où il a appris l'importance des atmosphères. Attendez-vous donc à une mixture de toutes ses expérimentations/variations à travers les années sur ce coup, une espèce de best-of de ses racines, le nec plus ultra du suc nourricier qui a fait de ce type un des incontournables de sa génération. Ça brasse sur "Slakthus Gamleby", les grattes déboulent comme une avalanche et offrent des riffs véloces marquants ("Death Grasp Oblivion", "The Cold Hand Of Death" ou "World Burial") mid-tempo ou plus vaseux ("Life Is A Coma", "Travellers Of The Vortex" et son refrain chargé d'espoir ou la ténébreuse "From Laughter To Retching") mais tout aussi headbanguants.

DEMIURG nous fait aussi le plaisir pour la première fois de pimenter ses pièces de chant féminin, après avoir donné le contrat à Pär Johansson sur les deux premiers skeuds. Et pas n'importe lequel : une des plus belles voix du Metal Gothique, Marjan Welman, permet à "Slakthus Gamleby" d'atteindre une autre dimension, de nous faire décrocher momentanément de l'agressivité de cet univers dominé par les hommes. Ses interventions sont toutes salutaires, des percées de lumière agréables sur "Life Is A Coma", "From Laughter To Retching" ou "World Burial". Notons que le batteur Ed Warby chante aussi sur la lente procession qu'est "Travellers Of The Vortex".

Et au risque de me répéter, malgré tous les efforts de la formation pour se détacher des autres combos de mammouths, ce qui nous reste en tête sont les tueries accrocheuses que Swanö a dénichées. Des airs qu'on retiendra longtemps, enfin que je garderai dans ma mémoire tant et aussi longtemps que DEMIURG tournera avec ce petit joyau et au-delà ! Géant, tout simplement.

Il est rare qu'on n'arrive pas à dresser un podium des meilleures pièces d'un album, mais avec "Slakthus Gamleby", c'est peine perdue car tout y est bon. DEMIURG a selon moi sorti un des meilleurs albums « Death old school modernisé » des dernières années. Un must.