"Illuvatar" est le projet d’un certain Pierre-Marie Reverdy, guitariste de la formation française LEX TALIONIS, groupe de Death Metal qui mélange brutalité et mélodies rapides, ma foi pas déplaisant. Invoquons tout de suite un préjugé salvateur : album solo d’un guitariste, méfiance, car ce genre d’objet est souvent dévolu à la seule démonstration technique.
Je ne vous cacherai pas que c’est ici le cas. Pierre-Marie Reverdy ne fait d'ailleurs aucun mystère à ce sujet : "Toujours plus rapide ! C’est mon seul but !", a-t-il déclaré dans une interview. A nous d’être d’accord ou non avec cette philosophie. J’ai choisi mon camp, ceux qui ne jurent que par le nombre de notes par seconde pourront sans honte gratifier ce disque de deux étoiles supplémentaires.

Pour tenter de résumer ce bien étrange album, on pourrait le décrire comme un croisement entre une bonne séance d'onanisme sonore et un sous-SUMMONING pour les claviers d'ambiance et la batterie froide et martiale, avec en outre quelques passages typés électro, bizarrement plus réussis que le reste. Les titres des pistes se veulent des invitations au voyage à travers le sud-ouest de la France ("Euskal Herria", "Lampy", "Montsegur", "Oc"), voire l'Europe ("Encamp", "Klein Matterhorn", "Przno"). Malheureusement, ce périple est aux abonnés absents et à aucun moment on ne décolle de son siège. A défaut de transporter, "Illuvatar" casse les oreilles.
Pour l'occasion, Pierre-Marie Reverdy s'est procuré un Ztar, instrument très original proche de la guitare midi, qui siège même fièrement sur la pochette à droite de la sempiternelle six cordes. Autant dire que le son produit par cet appareil est abominable, strident et pénible à souhait. Quant à la guitare, elle ne vaut pas mieux, et il est souvent difficile de distinguer les deux instruments. Argument artistique et commercial, l'utilisation de ce Ztar est finalement un coup d'épée dans l'eau.

Des nappes de synthé dénuées de toute musicalité, une section rythmique froide et pompeuse qui fait penser à une boîte à rythme bas de gamme, des soli qui impressionnent autant par leur technicité que par les dégâts qu'ils causent à l'oreille interne, des chansons sans queue ni tête : la somme de ces défauts fait d'"Illuvatar" un album proche de l'insupportable. On trouve par-ci par-là quelques idées sympathiques, comme ces narrations déshumanisées ou quelques rares passages d'un goût plus sûr ("Lampy", "Montsegur"). Passé ces quelques surprises, en demi-teinte cela dit, il n'y a pas grand-chose à sauver de ce naufrage musical.
Je suis dur, mais quand un disque pousse le vice jusqu'à me faire (réellement) mal aux tympans, je ne risque pas de l'accueillir avec douceur. Comme quoi, même la chronique d'albums peut parfois relever du journalisme de l'extrême.