On peut choisir son patronyme comme l’enfant baptise un nouvel animal de compagnie puis appliquer l’idée du bien et du mal par une énième (IRON FIRE) symétrie graphique propre à discerner soudain dans les paraboles bibliques des paradigmes philosophiques. On peut. Et avec un peu de chance, il flottera sur ces choix le goût d’un coup marketing. Après tout, HAMMERFORCE ferait grâce aux amateurs de heavy mélodique du moindre embryon de réflexion en leur indiquant en un coup d’œil ce qui leur est proposé. En fait, c’est faux. Pochette et appellation ne révèlent pas en primeur l’amalgame confectionné sur "Dice". HAMMERFORCE ne fait pas du speed mélodique un brin guerrier avec des hymnes voués à se faire lever les poils de l’épiderme.

HAMMERFORCE a deux cordes à son arc. L’une lance la flèche tout droit : le heavy mélodique. Et l’autre impulse à la tige empennée une trajectoire faite de détours, d’arrêts et d’accélérations diverses : le progressif.
Ainsi, malgré les prémices peu encourageantes et à l’évocation claire comme de l’eau de roche, la personnalité d’HAMMERFORCE est beaucoup plus ferme que prévu et ancrée là où ne l’aurait pas cherchée.
"Dice" est mieux qu’un énième opus de speed mélodique à dentelles.
D’abord, on a droit à de nombreux passages technoïdes difficiles à classer ; les sons, plutôt qu’à rattacher à quelque scène électro que ce soit, sont là pour servir les riffs et imposer une rythmique heavy metal. Second aspect propre à différencier HAMMERFORCE de ses comparses, une touche doom franchement appuyée, évoquant MEMENTO MORI ("Dice", surtout le refrain). Enfin, le niveau technique irréfutable des musiciens permet un jeu recherché et un amoncellement de ruptures qui devraient contenter l’auditoire heavy/prog.

Ce premier album voit poindre diverses qualités par lesquelles je me dois de débuter.
La production, d’abord, est bien pêchue. On se paye notamment une poignée de riffs tranchants comme un laguiole. Ensuite, "Dice" a de la matière à revendre : les titres, assez complexes, plutôt bien exécutés et pensés avec application, déroulent avec facilité. On y trouve des lignes de chant alambiquées ("Fury Of The Nordmen"), des riffs marquants ("Fury Of The Nordmen", "Malleus Maleficarum"), quelques soli de bonne facture ("Fall Of Monsegur"), des breaks tendus en éventail ("Malleus Maleficarum") ou encore un clavier martial ("Breakaway"). Enfin, les compositions sont inventives comme peut l’être un bon album de prog.
La variété et la densité des compositions promettent de fait de longues heures d’écoute. "Pink-Minded World" est un titre intense, tandis que "Quest To The Lonely Mountain" ceint le brassard d’hymne fédérateur (mais assez complexe) et que "Piano" s’impose comme une pièce épique et virtuose aux mélodies accrocheuses. HAMMERFORCE est à classer au niveau d’un REQUIEM dans ses meilleures fulgurances et en moins baroque.

Un seul défaut, tout de même, qui tient dans la gourmandise des Russes, eux qui cèdent parfois à cette vilaine insistance sur les plans techniques, au risque d’étouffer quelques passages et de réduire la force des mélodies. L’équilibre est souvent difficile à repérer en prog, HAMMERFORCE tombe, comme beaucoup, dans le piège. Cet aspect ne se ressent pas systématiquement, il pèse surtout sur les deux premières compositions.

Une réussite, indéniablement. Avec "Dice", les Russes insèrent à la scène heavy/prog une somme astronomique de mélodies et de plans hauts en couleur. Si HAMMERFORCE est minable dans ses choix vestimentaires, il arbore une démarche de prince insoupçonnable au premier abord.

Note : 3,5/5