La faucheuse viendra bientôt le chercher. Cancer (du poumon ?). Allongé dans son lit, l'homme attend que la mort vienne s'emparer de sa carcasse triturée de remords. A-t-il réglé ses comptes, est-il endetté psychologiquement parlant, aurait-il pu être un meilleur être humain ? Non, oui et oui. Le fardeau du deuil s'abat sur lui, pas seulement sur ses proches qui le voient décliner sans vraiment le connaître. Arrivera-t-il à effacer les taches sur sa conscience ?

Cette histoire inventée par le Néerlandais Ed Warby (ELEGY, GOREFEST, AYREON, HAIL OF BULLETS) est la trame de fond de "Burden Of Grief". Pour mener à bien le premier album de son « quasi one-man trip » THE 11TH HOUR, Warby a fait appel à Rogga Johansson (EDGE OF SANITY, DERANGED) pour assurer la voix Death. Le reste est son œuvre la plus complète, son projet, son bébé Doom, son synopsis. Il chante même d'une superbe voix claire, alors c'est dire comment il contrôle les câbles de cet ascenseur…

Warby nous fait donc vivre les derniers instants de son « personnage fictif », qui pourrait bien être vous ou moi, un homme simple attiré par le vide. C'est avec cette image en tête que vous devriez écouter ce brise-glace de THE 11TH HOUR. Ça vous aidera à avaler une pilule assez classique de Doom aux accents Death, un album facile d'accès, mat à plusieurs endroits, constamment sur la typique cadence des œuvres prenantes passant la mort au peigne fin à coups de loupe grossissante. On aperçoit d'ailleurs des pointures dans ses influences, dont CANDLEMASS ET PARADISE LOST (quelle surprise !) et même WARNING ET ISOLE, alors ne vous surprenez pas de reconnaître ces idoles dans ces six longues tranches de fin de vie.

"Burden Of Grief" se déglutit donc en ordre, comme un livre, un film, où la tristesse et la crainte se chevauchent dans un lent cortège funèbre. Or, Warby ne nous convie pas nécessairement à une scène de dépression intense, une scène de lit avec la famille larmoyante autour du mourant, mais bien à un disque introspectif à l'imagerie magnifique. La pochette et les photos promo sont assez évocatrices, je vous conseille d'y jeter un œil pour, vous aussi, mettre un pied dans la tombe.

THE 11TH HOUR se distinguera peu du lot énuméré plus haut, si ce n'est que le clavier et la guitare rasoir de Warby offrent de belles minutes de recueillement. Du Doom tantôt traditionnel, tantôt funeral, produit avec doigté par un artiste au focus remarquable : chaque instrument est adroitement placé et appesantit ce climat déjà lourd. "One Last Smoke" jette la première pierre avec un riff tranchant, laissant sa place à une archi lente "In The Silent Grave", à l'ambiance morbide. Warby répète ce titre plus d'une dizaine de fois à la fin, alternant le chant avec les excellents growls de Johansson sur une nappe de clavier orientalo-mystique. Pas mal comme idée !

L'opus décolle véritablement sur "Origins Of Mourning", où le ton se durcit et les guitares atteignent des sommets de mélodicité. Encore une fois, cette touche arabisée lointaine (courant en Doom) sublimée par un solo correct. À noter aussi le pianotage sensible et le chant de Warby sur ce morceau, le meilleur des six, qui ne cesse de dériver d'une émotion à l'autre. "Weep For Me" est aussi construite sur ce modèle, de la colère à la résignation.

I deserve to die dit alors son personnage à la fin d'"Atonement", pièce plus tranquille avant le déclin tempétueux, "Longing For Oblivion", qui nous emmène dans les moments ultimes de sa vie, ses râles dans le lit d'hôpital et les bruits de l'ECG compris. Ouf, pour du live… On ne pourra dire que Warby a lésiné sur les détails pour que les chapitres de son livre, son film musical, soient complets.

L'homme s'éteint, le poids des remords s'allège et s'évanouit. La faucheuse a payé ses dettes à l'humanité.

"Burden Of Grief" était un projet ambitieux de la part du vétéran Warby, les albums concept n'étant pas souvent à la hauteur de leurs visées. Pour le respect de son « scénario », il mérite un bouquet d'éloges et nos sympathies ; pour la musique, dans un cimetière familier vous marcherez, tête basse sous les nuages gris, fleurs à la main.

Ces fleurs sècheront grossièrement jusqu'à ce que vous les remplaciez pas d'autres…