Les pays sous-développés en Metal (pour ne pas dire en d'autres choses) ne réussiront jamais à regagner le terrain perdu par les patriarches. Ce qu'ils ont compris depuis longtemps. Or, si l'égalisation n'est pas possible, la tentative de création de « mouvements », de « tendances » hybrides entre les références acquises par le métalleux de base et celles propres à chaque culture de ces contrées désertiques, est en phase d'être universalisée.

Une courte recherche sur Metal Archives nous apprend que 30 groupes ont été répertoriés au Maroc jusqu'à maintenant, dont l'illustre « Vaginal Penetration » (groupe de Grindcore – évidemment avec un tel nom – nom que j'écris en minuscules pour ne pas choquer la plèbe) et les Blackeux symphoniques de SAWLEGEN, dont j'apprécie davantage le style et la classe. Pas nécessairement la musique, mais l'effort y est, ça c'est sûr.

Prenez cet album comme une énième curiosité exotique, pas comme un disque d'or immortalisé sur Hollywood Boulevard. Je fais ma bonne action aujourd'hui en vous parlant de "Stories From An Old Empire", premier et seul album sorti jusqu'à présent par le sextette, accompagné par une chanteuse inconnue sur plusieurs des huit titres de cette galette de riz brun. Un disque financé et produit maison, vous vous en doutez bien, donc on doit s'attendre à ce qu'on imagine : SAWLEGEN (« baguette magique » en arabe) suscite une toute naïve sympathie. Et en agent de voyage musical s'étant donné comme mission de vous faire parcourir le monde à dos de dièse, me voici de nouveau aux douanes en espérant ne pas être pris pour un terroriste.

"Stories From An Old Empire" n'est pas seulement un premier album, mais il doit sûrement être un des meilleurs qui ait franchi les frontières du Maroc. Je miserais un gros 10$ là-dessus. Pourtant, s'il se targue d'être Black, SAWLEGEN n'est qu'un peu raw et est sauvé de la mort subite par une certaine virtuosité (oh merde, j'écris vraiment ça !?) de la part d'Hamza, le claviériste. Il arrive tant bien que mal à insuffler une couche épique en filigrane à cet ensemble boiteux ("Troyan Licorn", "Tortured Souls"). Au moins a-t-il le mérite de sortir un peu des sentiers battus.

Les cordes des Marocains sont chaudement typiques du Moyen Orient, traditionnelles et tout le tralala. Ça ne sonne pas souvent nord-américain ou européen, ça c'est clair. Et, petit scoop, on n'entend parfois pas grand-chose derrière les voiles de clavier (trop en avant dans le mix) et les voix féminine et masculine entremêlées. Il est vrai quand même que le duo de guitaristes amène de bons riffs et quelques soli ici et là ("Melancophoria"), n'allons pas généraliser. La plus « ethnique » de l'alignement, "Streets Of Agrabah" (reprise en version acoustique en bonus) est aussi pas mal.

Mais le sous-mix demeure un des principaux problèmes de SAWLEGEN, inutile de mentir en disant que tout ça a été enregistré chez Peter Tägtgren. Dommage, car nos amis bronzés ont le sens de la mélodie, autant à la guit' acoustique que lorsqu'ils essaient de sonner fantomatiques au clavier ("Saracen Knights"), mais on perd la moitié de cette beauté ensoleillée relative. Comme s'il y avait un mur opaque entre le groupe et nous. Bizarre.

Bon, SAWLEGEN ne souffre pas seulement d'une sous-production et d'une cacophonie à peine maîtrisée se rapprochant davantage d'une trame de jeu vidéo que d'une perle noire, il sait habilement se tirer dans le pied. Exemple : la voix ridicule déformée et gonflée en monstruosité sur "Saracen Knights" et "De profundis Clamavi", la mièvrerie enfantine à la fin de "Troyan Licorn" (qui avait si bien débuté…), l'intro "Mustears" et la soporifique "Darkness Be My Bride", qui fait douter dès le départ que ce skeud soit du Black. Non vraiment, combien de minutes auraient pu être sabrées…

Quelqu'un a une baguette magique ? Je veux partir du Maroc au plus vite en laissant 1,5/5 au douanier pour qu'il ne me cherche pas noise.