Première pierre angulaire de l’édifice, première marche du triptyque, première salve gravée pour l’éternité : bienvenue dans l’excellence des sens… ou ELEND, aux portes de l’Enfer, au bord du gouffre, à la croisée de l’errance. Pénétrons, si vous le souhaitez ardemment, dans le moins « accueillant » des Paradis qui soient ; asseyez-vous confortablement sur ces gravats et méditez les "Leçons de Ténèbres"…

Celles-ci sont pernicieuses, autant le confesser d’emblée car, si ce sont effectivement des chœurs humains - apparemment apaisants - qui vous accueillent, c’est surtout un sentiment d’insécurité qui va très vite s’installer en vous. Alors probablement, vous vous dites, ouais bon mais ça pète pas là… Vous renierez vos paroles au chant de la troisième minutes (entachée de quinze secondes, il est vrai !) dès que ce cri inhumain déchirera l’ambiance relativement calme et là, le doute deviendra réel.

Oui, vous doutez puisque la donne a changé. Au lieu d’un divertissement excentrique, vous serez absorbé par l’effondrement illusoire d’un monde que vous espériez immuable, indicible, immortel… il n’en est définitivement rien.

Pourtant, ces leçons sont, et de loin, les plus accessibles des compositions d’ELEND. La folie mégalomaniaque de Teschiner et de son comparse Iskendar en sont à leurs balbutiements ; maîtrisées, j’en conviens mais plutôt que de développer la complexité de l’âme humaine à travers leur musique (comme sur le restant de leur carrière), les compositeurs préfèreront des atmosphères plus intimistes, introspectives donc plus personnelles à chacun d’entre-nous. Violons et claviers imposants (pas encore grandiloquents) vous accompagnent durant le voyage ; qui plaît ou non mais qui a le mérite d’avoir été ébréché.

La soprano est esseulée et confirmerait l’hypothèse perfide d’un espoir, en vain. Sa fluidité est claire, presque chaleureuse et trace une ligne qu’il nous faut suivre au fil du temps où nous découvrons, puis étudions, afin d’assimiler ces leçons qu’ils nous faudra absolument connaître sous peine d’être recalés à l’entrée des Portes… le moment venu ! Il n’y a pas encore de profondes tragédies - entre mélancolie et espérance plutôt - qui se trament dans cette voix féminine, aussi pourrions-nous y voir un souci de puissance musicale. Non, l’essentiel est ailleurs… C’est un ensemble qui confère à cet album un son unique, un monde à part, un caprice musical terriblement humain. Pourquoi "caprices" ? Disons qu’ELEND se faisait en premier lieu un plaisir cathartique et ne croyait pas sortir de l’anonymat - seul Holy Records leur accorda le bénéfice du doute, même si ce dernier conféra plus tard que c’était plus un coup de cœur artistique qu’une plus-value - qui plus est, dans l’univers du Metal ! ELEND a sa place parmi nous car l’esprit est bien plus métallique que certains poseurs/salariés de ce petit (?) univers musical, soyez-en convaincus, mes bien chers frères, mes bien chères soeurs…

Point de refrain pour ELEND, un morceau est un cheminement. Au final ? Un sacré petit bout d’excellence musicale, bien que le son laisse parfois à désirer et que les compositions ne bouleversent pas assez nos egos, le principal est que cette œuvre nous parle.

Pour celles et ceux qui se laisseraient tenter d’écouter ELEND, qu’ils commencent en "douceur" avec celui-ci !