Mesdames et messieurs, voici un autre épisode de la pas très populaire, mais tout de même très prisée, série des albums issus de contrées métalliques « non-trad' » découverts dans la Boîte à Demandes. La chro d'aujourd'hui porte sur une formation indonésienne ultra prolifique officiant dans le Metal Extrême avec touches d'Avant-Garde, nommée KEKAL. Ovni de la scène underground, dira-t-on, il offrait en 2003 son quatrième opus, une vraie petite merveille hyperactive et aventureuse.

KEKAL est avant-gardiste sur bien des aspects, dont la fusion d'éléments FX et samples avec une musique impossible à décrire ; est-ce du Black, du Death, du Hardcore ? Appelons ça de l'Extrême de chez Extrême & Extrême. Les teintes Black ressortent davantage, mais les centaines de samples, de programmations et de loops (!) insérées par la tête pensante de ce phénomène, Jeffray Arwadi, brouillent les cartes de ce qui n'aurait pu qu'être un autre groupe de Black Indus. On se situe beaucoup plus loin que les clichés et les sceaux formatifs…

"1000 Thoughts Of Violence" est le bébé du fondateur Jeffray Arwadi, car il y génère le suc essentiel à sa survie. Il s'est adjoint les services de quelques zicos, dont une chanteuse à la voix parfaite pour ce type de démonstration hétérogène. Il a réussi à faire coller cette gomme on ne sait avec quoi, mais il a réussi.

Guitare aux accents blues sur "Paradigma Baru", synthé de jeux vidéo côtoyant une guitare grasse sur "Artifacts Of Modern Insanity", beat de discothèque sur "Subsession" et "Default", chant crié et clair d'Arwadi lui-même, chœur et flèches lyriques, mitraillades en règle, arpèges ou rythmes Heavy, passages pop/Rn'B troublants (quoi ?!) et pur jus noirâtre, KEKAL dérange et surprend à chaque détour. C'est si touffu et varié qu'on doit se pincer parfois pour s'assurer qu'on ne rêve pas. Et tout cela nous provient d'Indonésie, mes chers amis, comme quoi le merveilleux monde de la musique vigoureuse n'a pas fini de nous étonner.

Écoutez donc "Subsession II" sans hausser les sourcils pour voir… mélange de Rock des 80's, de trip expérimental à la Malmsteen et d'anarchie structurale. Quant à "Default", on dirait une version asiatique de Devin Townsend dans les ambiances, alors que "Vox Diaboli" hantera vos nuits avec son clavier et ses chants démoniques. Non, vraiment, ça arrache. De toute beauté. Et que dire de "Beyond Numerical Reasons" (excellent titre, non ?), rideau de 12 minutes divisé en trois plans distincts, véritables montagnes russes d'ingéniosité « projetant » mille images dans un subconscient déglingué d'avance. La magie de l'Avant-Garde opère une fois de plus, y'a pas à dire, KEKAL cingle comme un pro. Il divisera ainsi les fans, comme tout groupe déboulonnant les conventions à renfort d'audace.

J'ai été impressionné par ces Indonésiens, et pas seulement parce qu'ils ont la peau plus foncée que moi ou qu'ils ont sacrément besoin de publicité par rapport aux gargouilles commerciales qui encombrent notre bien-aimée industrie. Tantôt Black/Death épicé, tantôt Extrême/Indus/Goth/machin truc, KEKAL obtient de ma part un solide vote pour ses multiples ramifications. Il arrive un peu tard cet appui, mais vaut mieux tard que jamais, n'est-ce pas, accrocs de la Boîte à Demandes, invention rendant justice aux talentueux oubliés ?

KEKAL a depuis chié trois autres albums, ce qui fait de ce "1000 Thoughts" le skeud du milieu de sa carrière, le skeud charnière représentatif de ce qui fut et de ce qui sera. Une excellente façon de débuter sa quête indonésienne en n'attendant rien, en se laissant prendre au jeu de l'improvisation. Un groupe à découvrir sans attendre.