A mon grand dam, quasiment aucun groupe de Thrash n’a développé le côté « Manowarien » du genre et c’est bien dommage. J’étais pas obligé de rajouter « et c’est bien dommage » vu que j’avais commencé par « à mon grand dam », mais cette redondance était voulue même que je voulais marquer le fait que j’étais très triste de cet état de fait.

Qu’entends-je par Thrash « manowarien » ?

Du riff de deux accords hyper efficace, des rythmiques en béton armé, un Metal globalement basique et des envies de tout démolir à coups d’enceintes Marshall dans la gueule. Le Thrash étant un genre plutôt bourrin et primaire, il me semble qu’une bonne coloration MANOWAR pourrait particulièrement bien convenir à pas mal de groupes Thrash qui se sont trop souvent contentés de copier leurs voisins de table, alors qu’ils avaient là toute prête à l’emploi la recette MANOWAR. Si aucun groupe ne se l’est jamais vraiment appropriée, on retrouve quelques traces du Spirit of MANOWAR chez quelques groupes, disséminées à droite et à gauche dans certains albums par petites touches éparses. Comme chez OVERKILL par exemple, qui a réussi en lorgnant vers le côté Heavy des choses à toucher du doigt la recette tant espérée (assez flagrant sur des albums comme Feel the Fire et Taking Over). Vous pensez bien que je n’allais pas passer à côté du « Solitary Solitude » de MELIAH RAGE qui fait partie du lot. Cette accointance « Manowarienne » déjà perceptible sur le premier album prend ici tout son sens. On est pas passé bien loin de mon fantasme débile d’un Thrash à la MANOWAR.

Dès le premier titre, on sait qu’on n’est pas en train de perdre son temps. Roulement de tambour, petit coup de double, un riff simple et de l’énergie à revendre. MELIAH RAGE encule. Pas aussi fort que le MANOWAR de la grande époque, mais suffisamment pour serrer le poing et headbanguer en mesure à chaque explosion du riff. Cette emprise « manowarienne », on la retrouvera de façon encore plus franche sur Retaliation, nous rappelant avant l’heure le meilleur d’un certain Louder than Hell dont je ne taris pas d’éloges.

Lorsque MELIAH RAGE n’emprunte pas les sentiers ensanglantés des Kings of Metal, le groupe joue plus conventionnellement la carte du Thrash façon vieux METALLICA. Oldschool, définitivement classique donc. Si on met de côté "Deliver Me", véritable aparté qui n’a rien à faire là (un bout d’acoustique et quelques lignes de chant étranges), le reste de l’album revendique un Thrash néanderthalien, dévastateur et musculeux. Coincé entre le vieux METALLICA sur la forme et le vieux MANOWAR sur le fond, MELIAH RAGE est vieux dans tous les cas, démodé depuis l’origine, intrinsèquement dépassé mais attendrissant.

Pour que cette alchimie d’un temps passé fonctionne, il fallait un chanteur avec de grosses couilles. Quelqu’un qui puisse rappeler gentiment Almighty James ou Eric ADAMS, sans forcément le talent mais quelque chose d’approchant, sinon c’était la cata. Et Mike MUNRO est presque parfait. Un timbre puissant et hargneux - entre chant "classique" et hurlé - il draine à lui tout seul une bonne partie de ce fameux « Spirit of MANOWAR » sans forcément pomper comme un sauvage, ni tomber dans la mauvaise imitation ou le ridicule. Il est l’ingrédient principal de la réussite de cet album, sans lequel je n’aurais pas pris la peine de vous en parler. D’où cette chronique. C’est pour ça que je vous en parle. La vie est parfois bien faite.

Pourtant, tout le monde s’en fout de MELIAH RAGE. La faute à quoi ? Un manque évident de succès, une carrière qui n’a jamais décollé, une discographie qui n’a pas dépassé le deuxième album et une poignée de défauts congénitaux. Car oui, Solitary Solitude est loin d’être parfait. Même avec tout l’enthousiasme que j’essaie d’insuffler, il est difficile de s’extasier réellement sur tous les morceaux de cet album. On pourrait même parler de titres médiocres (comme ce "Swallow your Soul" ou "Razor Ribbon"), que je pourrais pas vous contester sur ce point (ce qui est d’autant plus dommage qu’il s’agit des deux titres clôturant l’album). D’où une impression mitigée, ternissant les bons moments, faisant de cette « Solitude solitaire » un album intéressant, sympathique mais guère beaucoup plus. Sauf si vous fantasmez comme moi sur un thrash qui flirterait avec MANOWAR. Mais pour le coup, on est pas beaucoup à fantasmer de la sorte.


Note : 3/5


Morceaux préférés : Retaliation, Solitary Solitude.
C’est loouuuuurd : Swallow your Soul, Razor Ribbon