Tiens donc, un groupe de Black autrichien. Ça faisait un bail ! Je croyais que les Allemands et les Polonais les avaient encerclés et isolés dans un recoin des oubliettes. Depuis la sortie de l’excellent "Bondage Goat Zombie" de BELPHEGOR l’an passé, je ne m’étais pas curé les dents avec un opus noirâtre issu de l’Autriche. HELLSAW a alors cogné à ma porte avec sa musique enneigée et méphistophélique afin de me contenter.

Le duo d’Aries et Svart (accompagnés en live par un trio de très bons musiciens) nous livre son troisième opus en cinq ans avec "Cold", rectangle à l’artwork glacial inspirant même si l’été est à son zénith. Travail d’orfèvre réalisé sous la coupe de Napalm Records, nouveau bailleur de fonds de HELLSAW, qui crie sur les toits que les récents développements dans sa carrière sont géniaux. Eh ben. Revenons aux trucs qui n’intéressent pas les banquiers…

Ces conifères bourrés de manteaux blancs, cette froidure sévissant dans chacun des muscles et des os de cette solide charpente, s’imposent dès "A Suicide Journey", titre viandé en montagnes russes de huit minutes à l’intro acoustique. Commence ensuite une série de pièces ne se ressemblant guère, ce qui rend un peu l’album sauvage. Ce qui reviendra toutefois sur la grande partie d’entre elles sont des variations de rythmes décoiffants sur les hurlements de loup d’Aries ("The Black Death" et "Der Harzwald", alternant entre beat ennuyeux et mitraillette effrénée de la part de Svart) et une réelle démonstration de talent pour les ambiances sinistres et forestières. De légers chœurs contribuent notamment à rehausser ce sentiment d’égarement sous le couvert blanchâtre.

Les racines Heavy du groupe se font également ouïr de temps à autre et « dénaturent » un peu sa grogne. Les riffs lourdauds et atmosphères polaires que HELLSAW imposent lorgnent du côté d’IMMORTAL et SATYRICON. De ce dernier monument, on retiendra les tempos plus lents et répétitifs et du premier, ses frottes acérées (les tubes "Cold Aeon" et "Ache", généreusement mélodiques et virils comme dix).

Notons la présence de deux courtes instrumentales au milieu du skeud ("1°F", "Sulphur Prayer") et une très solennelle à la fin ("Subterranean Empire") qui permettent de faire une pause pipi dans ce dédale frigorifique. "Cold" compte aussi son lot d’ovnis, dont l’excellente "Psycho Pastor" (aux paroles aussi subtiles que le titre) et sa complainte guitaristique se transformant en un déluge pétillant et atmosphérique, l’express "I Saw Hell" et la clôture, "Wounds", à la cadence et aux voix démentielles.

Des morceaux tels que "Eyes Of Ice" emmerdent quelque peu par contre, avec une batterie à la limite du punk. Svart nous laisse sur notre faim à bien des endroits sur le skeud et nous fait croire que ça part à toute vitesse, il ne se sent pas très à l’aise sur son tabouret. Quant à Aries, il manipule son arsenal avec aisance et brio pour fournir d’excellents moments de Black laissant échapper quelques fibres scandinaves. Or, HELLSAW revendique son appartenance à sa terre natale européenne et son affiliation avec les plus belles années du Black poisseux sylvestre et nordique ne serait que pure spéculation.

HELLSAW ne pénètre pas dans les bois autrichiens sans une solide boussole et nous sert de guide agréable pendant près de 45 minutes. "Cold" est un album qui satisfera le fan de Black frissonnant et saura rallier les bêtes perdues en quête de sens, perché fièrement sur son rocher surplombant la forêt. Un voyage marquant, loin d’être légendaire, au cœur de l’hiver.

Un gros 3,5 / 5