FOREST OF FOG est le projet solo Black d’Ivo Henzi, guitariste d’ELUVEITIE, qui nous a été conseillé par un ami lecteur dont je ne souviens plus du nom, mais que je salue au passage.

"Abgründe" gifle une noirceur plutôt old school à la qualité passable. Comme quoi dans la vie d’un métalleux collectionneur de peaux de mammouth, il n’y a pas que le Folk… Il y a les défoulements en solitaire qui aident à s’émanciper et à ne pas s’obstiner en groupe à savoir quelle note devrait être jouée à telle hauteur, à tel moment. Oui, Henzi est aux anges avec son monstre de frimas et s’éclate un max même si la facture sonore ne contribuera pas à faire de votre expérience une jouissance démesurée. Une provocante vibration dans les chnoles*, sans avoir à redemander une autre ration.

« Abgründe » signifie « abysses » en français. Avec un titre comme ça, on peut s’attendre à, bien entendu, une profondeur inimaginable qui repousse les frontières des tréfonds à la puissance 10. Eh ben, non. "Abgründe" est un bon album de Black au son fuzzé, tirant sur le Pagan, mais pas tant un moment d’éternité. L’indulgence nous prend toutefois aux tripes quand on pense qu’Henzi a composé ces grêlons tout seul. L’admiration prend ensuite le dessus en se rappelant que le polyvalent poilu en était à son troisième album en trois printemps de suite, une recette non conseillée pour un rendement maximal, mais que le Suisse a tout de même réussie sans trop d’écorchures.

Les grattes lentes ("Die Vision", le début soporifique de "Der letzte Triumph", honorablement sauvé par une fin grandiose) alternant avec des titres plus speedés et combatifs (l’admirable "Nebelnacht" et "Stumm") procurent à "Abgründe" une complexité relative au niveau des structures. Ce qui n’est pas une mauvaise nouvelle, si on considère que ce Black est bourré de fritures et servi par un goitre vomisseur. Cette voix est parfois modifiée et multipliée grâce aux bons soins de l’électronique, s’évaporant comme le brouillard dont elle est l’esclave. Henzi improvise et tente des trucs, c’est tout à son honneur, particulièrement quand ça aboutit à des trucs pas trop méchants.

Pensons notamment ici à "Boten des Unheils", titre très « forestier » pour ne pas copier le patronyme détenteur des clés, au jeu de guitare très intense et à la défonce facile. Écartons toutefois des plages lorgnant vers les duplicatas de ce monde, dont les pâteuses "Ein neuer Tag" et "Die Vision", dont le riff légèrement épique n’a pas sa place près des autres odes mystiquement boisées d’"Abgründe". Sans oublier l’inégale "Der Turm", placide jérémiade laissant le terrain vague à l’ultime coup de poing, "Am Abgrund", mélodique et varié. Sans hésiter, un choix de pôle position.

FOREST OF FOG appose ses onze lettres sur un opus surprenant dont on n’espérait pas tant après quelques écoutes brouillonnes, enveloppées dans une bulle de distorsion incongrue. Ivo Henzi arrive néanmoins à charmer le fan le plus critique avec sa souche de séquoia bien résinée. « L’habit ne fait pas le moine » comme disait l’autre, caché dans sa soutane.

Loin d'être un chef-d'oeuvre, "Abgründe" est une autre courte épopée sylvestre à nouer à votre doigt pour les rudes mois d’été où la chaleur vous fait suer dans tous les sens du terme…

*Au Québec, couilles.