Le label allemand Nuclear Blast décide de fêter ses 20 ans comme il se doit avec une compilation exceptionnelle dont on se souviendra jusqu’à la fin des Temps.
Le principe est simple : Réunir les chanteurs de plusieurs groupes réputés de la maison et faire appel à Victor SMOLSKI (RAGE), qui se retrouve à composer un titre pour chaque couineur en cherchant à chaque fois à coller au style du groupe d’origine.

C’est du jamais vu. C’est pas comme si Roadrunner avait fait exactement la même chose en 2005 avec la compil’ Roadrunner United.
Je sais, je suis sarcastique. La façon dont ce projet a été survendu m’a profondément irrité, j’y peux rien (1). Mais baste, faisons fi de toussa et concentrons-nous sur la musique.

Vu la nature du disque, je vais devoir me livrer à un exercice que je déteste en temps normal et que je m’étais juré d’éviter en arrivant sur NIME : le "track-by-track". Je peux difficilement vous informer d’une autre façon, alors pas la peine de me faire les gros yeux.

...

Pour chaque chanson, je cite les déclarations de SMOLSKI et je commente. Here we go :


1. "Dirty Wings" (avec Tobias SAMMET d’EDGUY)

Victor : "Très accrocheur. Le refrain est mélodique, taillé pour la voix de Tobi."

Moi : SMOLSKI fait du SMOLSKI : le riff est nerveux et bourrés d’harmoniques sifflantes. Tobi officie dans un registre relativement grave et met la pédale douce sur son vibrato de chèvre. Étrangement, le refrain ressemble beaucoup à celui du dernier single d’EDGUY, "Ministry of Saints". Exception faite de guitares plus rugueuses et d’un solo foufou (sacré Victor, tu peux pas t’en empêcher, hein ?), c’est du pur EDGUY dernière période.
SMOLSKI a tenu son engagement, il s’est adapté à son chanteur et la sauce prend bien, sans être inoubliable.


2. "Terrified" (avec Peavy WAGNER de RAGE)

Victor : "Sous-accordage de rigueur, comme sur "Straight to Hell". Le titre alterne entre des passages très rapides et d’autres plus groovy. Les lignes de chant sont très mélodiques."

Votre serviteur : Comme on pouvait s’y attendre, c’est du pur RAGE. On se rend vite compte que cette compil’ et Carved in Stone ont été composés en même temps... en effet, l’intro de ce titre rappelle beaucoup "Gentle Murders" et le refrain est absolument identique. Victor, tu n’es qu’un escroc. Carton jaune pour la peine.


3. "Ruling the World" (avec Tony KAKKO de SONATA ARCTICA)

Victor : "Assez rentre-dedans, et contenant de nombreuses harmonies vocales, qui sont la spécialité de Tony."

Ma pomme : Court, rapide et très énergique. Mais le travail vocal est beaucoup moins riche que chez SONATA, vu qu’il se limite à 2 Tony superposés sur un refrain qui manque un peu de force. L’énergie de l’ensemble fera passer la pilule chez les plus indulgents.


4. "Death is Alive" (avec Mats LEVEN de THERION)

Victor : "Gros travail sur les arrangements vocaux pour une chanson que j’ai voulue épique."

Mézigue : Ce titre n’est qu’ambiances et fioritures orchestrales. La sauce ne prend pas vraiment, d’autant plus qu’au 2/3 du morceau, SMOLSKI part en vrille sur une accélération mal venue et un solo masturbatoire hors de propos.
En terme d’atmosphère, c’est plutôt réussi. A vous de voir si ça suffit à votre bonheur.


5. "Bloodsucker" (avec SCHMIER de DESTRUCTION)

Victor : "Un titre purement Thrash, très rapide, et aussi très technique. SCHMIER y est déchaîné."

Myself : Mélange de DESTRUCTION moderne (un Thrash effréné au refrain haineux avec chœurs brutaux en option) et des zigouigouis rythmiques et solistes de Victor.
Le mélange a de quoi surprendre, mais l’efficacité de l’ensemble vous prend par les couilles pour ne plus les lâcher. Les fans de DESTRUCTION s’y retrouveront sûrement, ceux de RAGE, c’est moins certain (le chant de SCHMIER et les chœurs à la DESTRUCTION, faut se les fader).
Intéressant, ce genre de titre est inédit chez RAGE comme chez DESTRUCTION, tout en étant marqué du sceau des 2 groupes.


6. "Slaves to the Desert" (avec Hansi KURSCH de BLIND GUARDIAN)

Victor : "C’est assez prog, avec des riffs puissants et des arrangements vocaux très fouillés rappelant le travail de Hansi chez BLIND GUARDIAN."

Bibi : Porté par des riffs tout droit sortis de "Down" (sur Unity) et une atmosphère orientale, ce titre sonne une nouvelle fois comme du RAGE. Il ne ressemble à rien de ce qu’a pu faire BLIND GUARDIAN. En matière de lignes de chant et de refrain, c’est beaucoup moins tortueux et ample que chez les Bardes.
Comme sur "Death is Alive", l’ambiance semble être la finalité du bouzin. Est-ce bien suffisant ?


7. "A Perfect Day" (avec Andi DERIS de HELLOWEEN)

Victor : "Un titre typique de HELLOWEEN, sur lequel Andi a tenu à chanter de façon plus rugueuse que d’habitude."

Mégnace : SMOLSKI applique la même recette que pour Terrified, on a là du RAGE d’usine. De nouveau très proche d’un titre de Carved in Stone ("Long Hard Road"), la force du refrain en moins. On est à des années-lumière de HELLOWEEN, DERIS étant à la peine sur des lignes de chant qui n’ont clairement pas été pensées pour lui.
Dis-moi, Victor, tu es sûr que c’est Andi qui a tenu à chanter de cette façon ?


8. "Eternally" (avec Oddleif STENSLAND de COMMUNIC)

Victor : "Une ballade sombre, spécialement écrite pour Oddleif. En effet, j’aime beaucoup le chant traînant qu’il emploie sur les ballades de COMMUNIC."

Mécolle : Ça traîne, c’est le cas de le dire. Les quelques sursauts Heavy et le refrain ne font pas vraiment décoller l’ensemble (il faut dire que le tempo quasi-Doom n’aide pas).
C’est ennuyeux, donc, comme les ballades de COMMUNIC. En ça, SMOLSKI a bien fait son boulot et s’est adapté à son chanteur. Quelle conscience professionnelle !


9. "Inner Sanctuary" (avec Marco HIETALA de NIGHTWISH)

Victor : "Un titre assez rapide, où le piano cohabite avec la guitare. L’utilisation des claviers rappelle clairement NIGHTWISH."

Monsieur Léon : On ne trouve pas une miette de NIGHTWISH là-dedans. C’est de nouveau du RAGE élevé sous la mère. Cette fois-ci, c’est à "You Want It, You’ll Get It" (sur Unity) que Victor fait les yeux doux. L’intérêt du morceau vient de HIETALA dont le timbre grave et rugueux s’accorde à merveille avec la musique. Par moments, on jurerait entendre Peavy lui-même ! En cas d’extinction de voix, ce dernier saura à qui faire appel.
Du RAGE honnête, porté par un superbe refrain.


10. "In the Picture" (avec Tarja TURUNEN)

Victor : "Ce mid-tempo démarre sous forme de ballade et débouche sur un refrain très accrocheur, qui prouve que la voix lyrique de Tarja peut passer à merveille sur un titre Metal."

Odinounet : Toujours pas de NIGHTWISH à l’horizon, et pas une trace de chant lyrique. On est également très loin de tout ce que peut enregistrer Miss TURUNEN depuis son renvoi de NIGHTWISH. Néanmoins, ça reste un bon titre, dynamique et porté par un refrain mélancolique à vous filer le frisson. Le break donne à SMOLSKI l’occasion de laisser son feeling s’exprimer sur un long solo planant. Toussa permet au disque de finir sur une bonne note.
Mais attendez un peu...
Victor se fout du monde. Il nous refourgue un vieux titre de son précédent groupe, MIND ODYSSEY. A quoi bon essayer de nous faire croire qu’il l’a composé expressément pour la voix de Tarja ? Il pensait que je ne m’en rendrais pas compte ? On ne me la fait pas, non mais sans blague.

...

On arrive enfin au bout de cette chro nullissime. C’est l’heure du bilan :

Cette compilation ne tient vraiment pas ses promesses, même si elle se laisse gentiment écouter.
On attendait une fusion entre le style de SMOLSKI et celui des différents groupes dont sont issus les chanteurs. Il faudra se contenter d’un album de RAGE très moyen (l’absence de Peavy et de son sens de la mélodie se font cruellement sentir) sur lequel des invités de renom défilent au micro.
On espérait une partouze monstrueuse, et on se retrouve à devoir se finir à la manivelle... tu parles d'une déception (2).

Avec le recul, est-ce que confier la composition à une seule personne était la meilleure chose à faire ? De véritables collaborations entre tout ce petit monde auraient pu donner lieu à un résultat autrement plus intéressant. Mais on ne le saura jamais.


Pour tout vous dire, j’en viens même à regretter que SMOLSKI ait accepté ce projet un peu fumeux. Il aurait mieux fait de passer du temps avec Peavy en salle de répète, à bosser les morceaux écrits pour RAGE.
On aurait alors peut-être eu droit à un album plus enthousiasmant que Carved in Stone.



(1)A noter que 6 mois plus tard, Nuclear Blast nous refera le coup avec la compil’ Out of the Dark, une version "Metal extrême" de Into the Light, composée par Peter WICHERS de SOILWORK.
(2) Je suis le roi de la métaphore, n'est-il pas ?