Vous sautez au-dessus du fossé boueux, mais votre pied a glissé et vous chutez de tout votre poids dans le bourbier glacé de la tranchée... Mais la peur vous taraude, vous vous relevez, couvert de boue.

C'est l'automne et l'heure du crépuscule. Le soleil a disparu de la forêt que vous tentez de traverser. D'ailleurs, vous en sortez et vous débouchez sur un champ fraîchement coupé. Devant vous, des champs, un ciel bas et lourd – à la limite de l'orage – les collines boisées et, à quelques centaines de mètres, vous apercevez dans l'obscurité naissante une vieille bâtisse. Autour de vous, la nature, le monde même semble retenir son souffle. Il n'y a aucun son... Sauf... ces croassements de corbeaux... Sauf, ce léger tambourin que vous entendez et qui répète, imperturbablement, le même rythme archaïque. Et là-bas, serait-ce... ? Oui, il y a un feu qui crépite devant ce manoir. Du feu, des hommes : une protection. Vous courrez... jusqu'à perdre haleine. Les loups derrière vous, ne sont pas loin. Vous courrez, avec espoir. Deux hommes sont tournés vers le feu. Vous dépassez la grille rouillée... Le temps semble s'arrêter ; derrière, les Canis Lupus ont eux aussi disparu... Un des hommes bât le tambour, l'autre scande un chant dans une langue inconnue. La bâtisse est toute décrépite. La peur fait désormais place à l'horreur. Quelque chose cloche, vous le savez. Instinctivement, vous posez la main sur l'épaule du chanteur. Le tambour cesse et l'incantateur se retourne : il a les orbites vides, le visage qui pourrit... L'horreur commence et vous hurlez quand l'énorme couteau croûté de sang vous ouvre le ventre, et que vos intestins chauds se répandent sur le sol poussiéreux, dégageant une vapeur nauséabonde...

Ce court texte introductif décrit une scène qui m'est venue à l'écoute de cet album titanesque, Fälen Fran Norr. Vomi par les deux âmes torturées, et artistes, des feux ARMAGEDDA et LIK (six albums géniaux en tout ; des maîtres qui abandonnent leurs objets d'études quand ils en ont fait le tour) voici de nouveaux nos compères plongés dans les affres de l'horreur avec ce nouveau projet : LÖNNDOM. Il est extrêmement rare qu'une œuvre me saisisse d'effroi mais cette œuvre-ci réussi à merveille la chose.

Occulte, poussiéreux, crépusculaire, avec des samples très naturels (feu qui crépite, hululement de chouettes, etc.), LÖNNDOM nous plonge dans un monde surnaturel et hypnotique, où La Chose derrière le Seuil n'est pas loin... Comment dire ? Pour moi, ce Black Metal fortement mâtiné de Gothic/Folk Rock dans son expression la plus sincère retranscrit à la perfection un univers que j'ai connu (et abandonné pour cela même) et que j'ai retrouvé pour ainsi dire magnifiquement dans la Trilogie du Vampire, de l'écrivaine Jeanne Kalogridis. En somme, voici une musique idéale pour qui croit à ces ambiances morbides, qui glacent les tripes, qui vous font croire que le Mal, simple, ordinaire et possible est là, présent, palpable, là derrière ce mur, derrière cette fenêtre, au fond de ce puits, là dans ce silence, où sous ces poutres de grenier plongé dans la pénombre... OCCULTE. C'est le mot qui colle comme une seconde peau – ou peut-être est-ce sa peau, son sang même – à cet album en tous points hypnotique et crépusculaire. Nos sorciers touchent aux sombres choses de notre univers. Ils prennent notre crâne entre leurs doigts et lui murmurent des malédictions avec un sourire aux lèvres. Un sourire, car cet album, en plus de faire de nettes références à la nature et à l'occulte, est également sarcastique, sardonique et satyrique : en somme caustique !

Fälen Fran Norr est un disque pesant, doucement dingue, vous remuant les tripes et vous mettant mal à l'aise. Un disque qui m'a personnellement touché et frappé, un des meilleurs de cette année 2007. Poussiéreux, satanément plongé dans une pénombre qui fout mal à l'aise, Fälen Fran Norr mêle avec génie Folk Rock d'un autre âge, d'une dimension parallèle à de doux accents Black Metal, le tout immergé sous une épaisse couche d'occulte qui fait froid dans le dos... LÖNNDOM emmène l'auditeur dans son monde sans le moindre mal... Amateurs de LIK justement mais aussi de WINTERBLUT et de DARVULIA (j'oublie ARCKANUM ! Personnellement, cet opus m'y fait beaucoup penser), vous serez envoûtés par ce premier album de LÖNNDOM, fin et racé. Les autres en diront tout le mal que je leur souhaite...