Après une décennie d'existence, une grand flamme ténébreuse des U.S s'est éteinte il y a quelques mois. Oui, mesdemoiselles, mesdames et messieurs, éteignez de suite la télé et écoutez moi : LEVIATHAN, aka Wrest aka Jeff Whitehead, de San Francisco, Californie, a donc raccroché le manteau noir et déposé les armes de guerre qu'il a brillamment mises au service d'un Black Metal de qualité. Rest in Peace, LEVIATHAN. Ne vous en faites pas chers lecteurs/auditeurs, jusqu'à ce qu'il ranime son LEVIATHAN, il reste à Wrest (...) un projet solo qui fait sensation – LURKER OF CHALICE – et sa participation à l'All-Star-Band étasunien TWILIGHT, ou au monstre du Drone Metal, SUNN O))). Et il a ce qu'il faut pour manger : il serait un tatoueur émérite. Mais avant de passer l'arme à la gauche de Dieu, Jeff n'a pas oublié que ses fans l'attendaient au tournant. Et lui n'allait pas partir en traînant les pieds, non non, plutôt en bombant le torse et en levant sa tête chevelue et grimée. Voici donc que débarquait il y a quelques mois ''Massive Conspiray Against All Life'', troisième long-format après deux autres grands disques, ''The Tenth Sub Level of Suicide'' en 2003, rapidement suivi par un ''Tentacle of Whorror'' l'année d'après. Avant ces deux oeuvres amplement acclamées par l'underground du Black Metal, un nombre incroyable de démos - et après celles-ci donc, des légions de splits et compilations, ainsi que deux E.P. Voilà pour la nécrologie du LEVIATHAN.

Me reste donc le gros morceau dont il est question ici : ''Massive Conspiracy Against All Life''. Dont j'ai lu en plusieurs endroits que ce disque mérite largement un puits de pétrole par les temps qui courent. Bref, c'est de la bombe bébé. ''Massive Conspiracy...'' serait donc une pièce titanesque du Black Metal tout court, un chant du cygne parfait, ultime pour le maître de Frisco qui finirait là en beauté une carrière florissante... Bon, autant être clair de suite, LEVIATHAN est un groupe qui ne m'a jamais vraiment pétrifié ou rendu béat d'admiration. Il a longtemps été une vache à lait, avec une maniac-base qui sautait sur la moindre de ses crottes. Son compère XASTHUR l'a bien pigé aussi huhu... Donc voilà, ''Massive Conspiracy Against All Life'' avait peu de chance de me séduire, de prime abord.

Toutefois... C'est un disque bien, trop bien épais, à tous points de vue et qu'il sera bien difficile de caser quelque part : il nécessite de nombreuses écoutes. Ainsi... une production épaisse. De la réverb' un peu partout, donnant un aspect spectral à l'ensemble bien séduisant. Une finition géniale aussi, déjà. Des structures très intéressantes. Une vraie batterie, très bien tenue. Une personnalité évidente, prégnante, avec les deux pieds dans le Black Metal, mais qui pousse très fort sur ses jambes et des poings pour agrandir son espace vital... Des détails à foison également et de nombreux éléments incorporés. ''Massive Conspiracy Against All Life'' de LEVIATHAN est, il est vrai, un énorme disque fait de dizaines de peaux superposées, donnant pour l'écoute active un paysage apocalyptique aux frontières cauchemardesques... ou alors, un cauchemar sans fin, avec un horizon dévasté. Mesdames et Messieurs, il faut donc le reconnaître : c'est pas de la pisse d'âne ce que nous avons là.

Full-length long d'une heure et des brouettes, couronne assortie de sept pierres précieuses, ''Massive Conspiracy Against All Life'' va vous retourner comme une crêpe, on ne peut le nier. J'ai trouvé des similitudes dans ce disque avec ce que l'on a pu entendre chez des formations toutes françaises, telle l'inévitable machine BLUT AUS NORD, mais encore des combos plus cradingues comme la gigantesque VUCUB CAME ou l'excellent WOLOK. DEATHSPELL OMEGA également, vu la production et la sorte de spiritualité occulte émanant de la rondelle. Ces différentes influences me gênent quelque peu. Et, où mon coeur balance entre sincérité de la part du groupe, et « abus de confiance » (pour faire simple : entre originalité et copiage). Ou LEVIATHAN a le cul entre deux chaises ? Je ne sais pas, car il faut également admettre que le LEVIATHAN nous chie là un bel étron. Vous voulez un rapide état des lieux pour vous faire une idée ? Bien !

Le skeud commence par un premier titre qui déboite bien – le plus court de l'album, soit 5:22. ''Vesture Dipped in the Blood of Morning'' est une piste énergique et apocalyptique, torturée et malsaine comme WOLOK sait si bien les composer. Du moins jusqu'au break thrashy à 3:15, qui va donner une autre dimension à la piste, la rendant d'un coup plus lourde et menaçante... Ca fait bizarre – vous écouterez. Vient ensuite un deuxième morceau : un T-Bone, double épaisseur si vous voulez. Onze minutes lancinantes, onze minutes de tortures...douces, bourdonnantes, grouillantes avec de la ''Noise Ambiant'' en fond : Wrest est un vrai maître dans l'art de remuer tripes et boyaux, de rendre malade...la Pestilence... ''Merging with Sword, Onto Them'' est une fabuleuse piste qui tend donc en son début vers le Postcore... avant d'exploser en une seconde et de maintenir une pression suffocante. Génial.

''Made as the Stale Wine of Wrath'' fonctionne un peu de la même manière, mais s'inscrit dans son dernier tiers dans un registre plus posé, plus calme, avec une batterie qui « jazz » sur certains plans... ''VI-IX-VI'' pratique lui aussi la politique du D-Beat d'intensité, avant de lever le pied brutalement : une tension en alternatif qui structure la piste, avec toute cette Noise que lui injecte en plus Wrest... Excellent. Encore plus excellente, la suivante ''Receive the World'', catchy/thrashy, pleine d'entrain auquel Wrest adjoint ce bruit de dérapage dans le fond (je vous le jure !) qui hérisse les poils des bras. Argh ! Jusqu'à ce que l'Ambiant maléfique reprenne ses droits sur le dernier tiers pour peser de tout son poids dans nos entrailles. Ce qui permet de passer en douceur à ''Vulgar Aceticism'', autre torture emphatique et hypnotique, torturée et envoutante... puis de sauter sur ''Noisome Ash Crown'', dernière station anti-christique avant la fin du monde, d'une longueur de treize minutes. Mortelle et énorme, forcément. Toute en ambiances. Loin d'être agressive, elle en est bouleversante, destructurée, ravagée par la peste de l'âme corruptrice de son géniteur. Elle laisse une impression de malaise pachydermique... Elle écrase. FIN.

LEVIATHAN/Wrest achève son règne sur une très bonne note. En bon suiveur des maîtres français dont il se fait un élève rusé, il digère néanmoins assez mal ses influences et seuls le sauvent de la poubelle son perfectionnisme et sa maîtrise inspirée de l'électronique méphitique. Un ''Massive Conspiracy Against All Life'' somme toute de très bonne facture, mais à qui il manque un soupçon de personnalité... 3,5/5.