Imaginez Powersylv chroniquer un album de HAMMERFALL. Pour être clair, c’est à peu près le même comportement que lui que je risque d’avoir vis-à-vis d’un album de LACRIMAS PROFUNDERE. Il se trouve que depuis quelques mois maintenant, les Gothic Rockers Allemands m’accompagnent en permanence et ne me quittent plus. Il ne se passe plus un jour sans que j’écoute au moins un titre. Comment l’expliquer ? Aucune idée. Après tout, depuis « Ave End », LACRIMAS n’est-il pas ce genre de groupe sirupeux et détestable sur lequel crachent tous les puristes et autres amateurs d’intégrité ? N’est-il pas ce groupe que l’on qualifie de pâle copie de HIM ? Certes. Alors pourquoi eux ?

Un ami m’a fait remarquer : « Tu aurais pu te choisir une coqueluche plus respectable ! »
Pas faux. Seulement voilà. Je pense sincèrement que LACRIMAS PROFUNDERE offre plus qu’un ersatz de HIM. Son background reste présent et nous épargne une contenance pop trop vulgaire, et ses guitares ont, depuis l’avènement Goth Rock, conservé cet on-ne-sait quoi de gelé et enneigé ; un raffinement alcoolisé. Insistez, persévérez, nichez votre oreille dans cet ensemble peut-être formellement trop convenu, trop facile, trop suggéré : LACRIMAS offre plus, oui. La note que j’ai attribuée à leur album sorti en 2006 ne me convient plus. Parce que « Filthy Notes For Frozen Hearts » n’est pas aussi hermétique qu’on pourrait le croire. Pas aussi homogène et linéaire. Ses mélodies sont toujours parfaitement bien pensées et suintent un spleen rock’n’roll lisse et distingué. Mea culpa.

L’heure du successeur est arrivée. Seulement deux ans d’attente, et beaucoup de changement. Celui qui n’a échappé à personne : le départ du chanteur par manque de temps et de motivation, et l’accueil de Rob Vitacca, plastiquement et vocalement très similaire. Choix de la stagnation artistique ? Critique légitime…le groupe répond à cette gênante question avec une spontanéité désarmante. « Si l’on voit dans notre musique la poussière des rues dans la nuit, le départ d’un bateau à l’horizon noir, la fumée des cigarettes, alors nous avons atteint notre objectif ». Et « Songs For The Last View » lui aussi l’aurait alors atteint. Il reflète tout un état d’esprit d’âmes perdues, trouvant le refuge cathartique dans un Rock énergique et triste, hymnique pour les enfants des ténèbres dont parle Poppy Z. Brite dans ses premiers romans. The 69 Eyes et Guns’n’Roses se retrouvent : riffs efficaces et simples, du premier le velours Goth d’une voix grave traditionnelle (« Lullaby For A Weeping Girl »), du second un état d’esprit légèrement Glam et une volonté Hard Rock vaguement sleazy. Si la production est impeccable et semble essentiellement mettre en avant la douceur satinée des guitares et la vision moderne et soyeuse d’un Goth Rock Sistersien, l’écriture est franche. Banale et sans surprise, diront certains. Mais la nouvelle collection LACRIMAS jouit d’une accroche exceptionnelle, dans la continuité, pour peu que l’on accepte sa nouvelle direction et que l’on mette sa rancune de côté.

Il serait dommage de nier les atouts splendides d’« And God’s Ocean », power-ballade d’une beauté époustouflante, ou la force ambiguë et progressive de ce « While » proprement bouleversant. Par ailleurs, « A Pearl », premier single qui a dû conforter les détracteurs dans leur désapprobation, est une petite bombe mélodique qui montre que LACRIMAS PROFUNDERE est largement au dessus de la masse Goth Rock/Metal à chant masculin qui sévit en Scandinavie et en Allemagne.

Rob Vitacca fait ses preuves, l’écriture reste plus que convaincante, et « Songs For The Last View », concept-album sur « The Heroin Diaries » de Nikki Sixxx, accompagnera qui veut bien pendant un certain temps. Jusqu’à ce que sa magie s’évapore, faute d’intérêt à long terme, faute de volonté d’aller au-delà de l’efficacité…il n’empêche que LACRIMAS est là, plutôt en forme, parfois trop mielleux (« A Dead Man »), mais à l’univers infiniment plus classe, racé et sauvage que celui de son congénère Finlandais heartagramique. A vous de voir !