Le Metal Gothique a décidément bien des ressources. Sa facette « Rock », et signalons qu’il faut rayer l’option « Love », comporte de véritables perles, et les allemands de SCREAM SILENCE en font partie, c’est une certitude. Sixième au compteur, « Apathology » vient ajouter à la discographie du groupe un ouvrage plus progressif, toujours empreint d’un charme Pop immédiat, mais définitivement plus concentré sur le cisèlement guitaristique et la profondeur des mélodies.

Certains ont sûrement pu entendre, au moins d’une oreille distraite, le tube « Creed » extrait de l’album « Saviourine », tout envahi de mélodies accrocheuses, de l’intro Depeche Modienne sur fond Rock/Metal, jusqu’au bon gros refrain romantique qui évite miraculeusement la vulgarité HIM-ique. SCREAM SILENCE poursuit sa route, garde une ligne de conduite régulière mais ne manque pas de remettre en question ses acquis. Superbement produit, « Apathology » reprend d’ « Aphelia » les beautés Rock Goth, tintements de piano et de guitares cristallines (un « Killing Essay » prodigieux, autant énergique que terriblement émouvant), et choisit de mettre la bride sur le clavier, point trop, tout de même, parce qu’ils savent que les nappes aériennes font partie de leur personnalité, au profit d’une énorme recherche structurelle ou d’une sculpture des guitares bien plus conséquente qu’auparavant. Le groupe a grandement pris du coffre. Sur « And This Is What We Left Behind », on le constate non seulement libéré de tous les carcans, définitivement émancipé d’une formule couplet/refrain trop réductrice, mais en plus, touchant et tremblant d’émotion comme il l’a toujours été sans surcharge de pathos. Au micro, Hardy est magistral, parfois touché par la grâce : son chant grave hérité du Goth Rock classique, et traité de manière moderne par la production, fait des merveilles, reste simple tout en étant théâtral, juste ce qu’il faut pour ce Dark Rock métallisé élancé et catchy.

"Apathology" n’ennuie pas. On constate un léger essoufflement en fin d’album, vu que les derniers morceaux, sans démériter, répètent plus ou moins ce qui a déjà été dit avant ; néanmoins, la beauté est plutôt constante, d’un « The Faint » lancinant et dépressif, annonciateur de l’approche structurelle moins conventionnelle, à « Euphoria », dans la lignée du long « Aphelia » sur l’album de 2007, en passant par les tubes puissants et sensibles que sont « Counterfeit » et « Above And Within ». On sent SCREAM SILENCE en grande forme, dans l’expression d’une mélancolie emphatique et romantique, dans le phrasé hymnique d’ « Apathy » et « Killing Essay » où s’exprime un immense talent mélodique, et on apprécie l’effort fait pour sortir des sentiers déjà battus par le passé.
Depuis l’album « To Die For », sorti en 1999, SCREAM SILENCE en a fait du chemin. Il a appris à ménager ses effets, à mieux écrire ses mélodies sans jamais perdre son sens fougueux de la romance musicale, à faire évoluer sa composition. « Aphelia » pêchait encore très légèrement par trop d’excès et des mélodies parfois un peu trop évidentes. Aujourd’hui, « Apathology » rattrape tout et prend une place fondamentale dans la discographie du groupe : il est le premier album à savoir combiner émotion vraie et entière, et retenue des effets trop communs dans le Goth Rock/Metal. Plus froid, toujours Pop mais allégé par l’abandon de certains apparats, il est un incontournable du style : nul doute que les fans de LACRIMAS PROFUNDERE dernière période, tout comme les adeptes de BEYOND THE VOID, sauront avouer que SCREAM SILENCE a quelque chose de plus, émerge de l’ensemble, et fait preuve d’une finesse et d’une classe que peu ont.
Une sortie importante de la fin 2008 qui, on l’espère, rencontrera du succès au cours de cette année, et saura être appréciée comme elle le mérite sur la scène Goth Metal.