DOWN TO EARTH MOTHERFUCKEN POST-AMPLIFICATION BLUES.


Un an après "In The Name Of Suffering", EYEHATEGOD revient dans les bacs avec sous le bras un second brûlot de musique énervée à prendre comme si on avait mal.

Composée pour ne pas être prise au sérieux, cette première galette a finalement servi de tremplin à la bande à Bower pour édifier une discographie, un concept, un état d'esprit qui influencera de nombreux groupes amateurs d'agressions soniques et qui se regrouperont désormais sous l'appellation d'origine (in)contrôlée : Sludge. Les BLACK FLAG, THE MELVINS ainsi que la bande à Iommi sont toujours derrière à tirer les ficelles mais le pantin EHG marche (ou plutôt titube) jusqu'à un caniveau dans lequel il se complait plutôt bien.

S'il y a une chose que ce second opus va nous apprendre c'est bel et bien que Worshiper la fange n'implique pas le déni du confort, car l'un des principaux changements par rapport à "In The Name Of Suffering", c'est sa production, bien plus léchée que sur le premier album, mais en mode "faut pas déconner quand même". On se rapproche pas mal du son d'un "Dopesick" mais on n'est pas encore au stade "Confederacy Of Ruined Lives" et sa saveur de contrôle aromatisée à la liqueur de figues.
Que les fans de la première heure se rassurent, on s'en prend toujours plein les oreilles, du larsen sur-aigüe en veux-tu, en voilà, et des vociférations Williamsiennes sont toujours présentes pour notre plus grand discomfort, la forme a un peu évolué, le fond n'est pas dénaturé.

À part le son, quelles autres évolutions ? À coup sûr une certaine assise dans un style que le groupe est le seul à pouvoir maitriser. Ces années 70 dopée à grandes seringues de dépravation se ressentent à travers le jeu bluesy de Jimmy et Brian, de même que dans le jeu de Joe LaCaze, un des meilleurs batteurs qu'il m'a été donné d'entendre.
Car c'est bien du côté du blues que TANFP creuse le plus profond. Là ou ITNOS était bien plus hardcore, sur cet album des riffs au groove plus accessible ("Crimes Agains Skin", "White Nigger") côtoient une certaine agressivité, elle aussi un peu plus mise en avant, un côté plus "catchy", je pense notamment à "Take As Needed For Pain" et son intro surpuissante et à "Sisterfucker Pt1" et son feeling punkisant.
Seule "Disturbance" semble de trop avec ses sept minutes de samples et de bruits abrutissants, mais prend finalement tout son sens dans le cadre d'un vinyl puisque placé exactement à la fin de la première moitié (donc première face) du disque.
Un petit mot sur Michael Williams, toujours fidèle à lui même, que ce soit dans "EHG", "Outlaw Order" ou "Arson Anthem", son timbre écorché et monocorde fait mouche à chaque fois et nous plonge intégralement dans ce flot de dépravation dont le musicnaut averti va tant redemander.

En conclusion, Take As Needed For Pain est là pour nous dire, qu'EYEHATEGOD est et restera EYEHATEGOD, un groupe avec un son propre, souvent imité, jamais égalé, qui commence toujours ses morceaux par un larsen diabolique et qui nous balance à la gueule un punk/hardcore léthargique doublé d'un stoner vicieux et malsain.
Ce disque a le fumet du mendiant infirme dont on se moque dans la rue, le piquant d'une ratonade à coups de batte de base-ball tout en écoutant Robert Johnson.
Prochain checkpoint : Dopesick, ça va faire très mal.