Officiellement en suspens, officiellement pas tout à fait enterré (les fans ont même eu droit à un petit concert en Allemagne en 2003), SAINT VITUS ne respire pourtant plus depuis longtemps. Et la terre lui va si bien, comment ne pas considérer "Die Healing" comme le dernier témoignage d'un des plus grands représentants du doom des origines ?
La boucle est bouclée et Scott Reagers est rentré au bercail. Et déjà, le débat s'anime et Christian Lindersson, ancien COUNT RAVEN qui a tenu le micro chant sur "Children Of Doom" regarde le spectacle avec envie. On n'y parle jamais de lui.
Alors, quel est donc le meilleur chanteur de SAINT VITUS ? Ce Scott Reagers des premières années, cet homme à la voix plaintive et couverte de larmes sinistres, partisan des litanies théâtralisées ? Certains lui préfèrent son remplaçant Scott Weinrich, celui qui imprégnera "Born Too Late, "Mournful Cries" et "V" de sa grave puissance. Liés par un amour équivalent pour le grand Ozzy, les deux concurrents se disputeront toujours un titre qu'on ne saurait décerner sans une part insupportable de subjectivité. Autant l'un que l'autre ont su poser leur énorme patte velue sur la pierre musicale de Californiens qu'on aurait imaginé naître ailleurs.

Une pierre aujourd'hui présentée dans un écrin prestigieux. Jamais SAINT VITUS n'aura connu une production plus claire et subtile. Lui qui aura lutté toute son existence contre sa propre indigence bénéficie enfin en 1995 d'un son qui lui rend totalement hommage. Bien sûr, un tel artiste se contente parfaitement du plus chétif et sa misère en fait un personnage attachant de roman. On l'aime avec son caractère besogneux et son penchant naturel pour la mendicité. Mais on lui découvre ici une nouvelle prestance qui possède, entre autres, l'avantage de pouvoir éveiller l'intérêt d'auditeurs allergiques aux productions trop chiches. L'exercice était plus périlleux qu'il n'y paraît. Et SAINT VITUS, sans rien perdre en cafard ni en misère, y gagne sur tous les plans. Une meilleure définition instrumentale, un plus grand relief pour un plaisir auditif augmenté. De toute manière, l'heure n'est pas et ne sera jamais au chrome ni aux paillettes. On est sale et boueux, on le reste.

L'écriture ne diffère guère des années précédentes et après quinze années aux services du lent et de l'anthracite, le quatuor a conservé inspiration et envie de jouer. S'il ne révolutionne en rien le monde du riff, il se permet quelques escapades étonnantes. Eternellement classique dans ses premières minutes ("Dark World" ou "One Mind"), un peu balourd en milieu de parcours lorsqu'une basse besogneuse dirige la mélopée ("Sloth"), il devient ensuite fou ("In The Asylum"). Et la huitième plage, une réussite, le découvre plus tonitruant et énergique que jamais. Tonitruant, énergique, presque innovant grâce à un flanger gras et volumineux qui opère la mutation, l'histoire d'un instant, de l'orchestre en une espèce de WHITE ZOMBIE tout en talent. Et Scott Reagers passe le micro à un Dave Chandler muscle rare et larmes séchées pour accompagner le groove infernal du dernier titre.

Incontournable toujours contourné par nombre d'adeptes d'un genre qui s'éparpille aujourd'hui en de multiples chapelles, SAINT VITUS a besoin de vous. Il vous appelle une dernière fois à visiter ses ruines qu'il serait peu sage d'éviter encore une fois.