On passe parfois à côté de l’essentiel. Les formations de heavy mélodique nous apprennent tout un tas de choses sur nos amis les dragons. Ils ont une terre, de la force, un marteau, un cœur, un seigneur, un pourfendeur. Mais ils volent, aussi, ne l’oublions pas. Heureusement, les Argentins de DRAGONFLY sont là pour nous le rappeler. Fallait-il pour cela monter un groupe et sortir deux albums en l’espace de deux ans ? Et faut-il raisonnablement laisser une seconde chance à Pablo Solano, le chanteur d’OPERA MAGNA, formation franchement écornée par NIME ? Premièrement, je ne me prononcerai pas sur la tentative initiale des Argentins (« Domine »), je ne l’ai pas écoutée. Et deuxièmement, la comparaison avec OPERA MAGNA est plutôt à l’avantage de DRAGONFLY. Le groupe fait donc bien plus qu’alimenter un recueil des rites et coutumes des bestioles cracheuses de feu. « Alma Irae » est un album avec lequel les amateurs de heavy symphonique à l’italienne peuvent sereinement envisager un rapprochement rapide et sans risque.

Attention. DRAGONFLY n’épargne rien. Entre un propos si épique qu’il en devient candide, des plans sentant le renfermé, une rythmique peu aventureuse et assez répétitive et une production à deux doigts de la sanction, cet opus s’adresse à une frange très particulière d’amateurs. Si flâner sur le site d’underground Symphony (label italien) fait par exemple partie de vos habitudes, DRAGONFLY ne vous effarouchera pas. Pour les autres, je préfère vous conseiller une fuite précipitée. Personne ne vous en voudra.

« Alma Irae » débute convenablement. Intro symphonique de rigueur et « No lo Veran Caer » qui se lance tambour battant, le terrain accueillant DRAGONFLY est rapidement et facilement balisés, proposant déjà de bons points d’ancrage, comme ce refrain prenant et ces soli convaincants. Confirmation immédiate avec « Buscando la Paz », fresque épique intense puis « Furia », la superbe ballade « 1000 Lagrimas » ou le final « Viento Norte », aidé par de très bons chœurs et des orchestrations fournies. Même si j’ai mis un peu de temps à bien entrer dans cet album, je lui reconnais désormais pleinement ses qualités. Epique, dense et long à investiguer, traité par des musiciens qui croient sans faillir en ce qu’ils font et proposant une belle intensité, « Alma Irae » constitue une jolie surprise.

Pas grand-chose à rajouter à cette chronique. Comme l’impression tenace qu’au vu de la pochette et du nom du groupe, vous savez de toute façon exactement à quoi vous attendre. « Alma Irae » est un album de heavy épique assez speed et très orchestral réservé à un public averti. Les plus belles heures du metal italien (celles auxquelles vous regrettez peut-être vous être laissés aller, quand vous rougissez de honte en ressortant le premier album de SECRET SPHERE et son affreuse pochette) trouvent un prolongement de très bonne facture en provenance d’Argentine. Un genre nettement moins jouissif qu’auparavant, la lassitude ayant fait son œuvre, mais qu’il est agréable de se frotter à ce genre de rappel, adroit et totalement investi.