Au début des années 90, j'avais la chance d'habiter à cinq cent mètres d'un disquaire (oui oui, ça existait encore) qui lui était en Belgique, entouré par les friteries, les vendeurs de tabac, alcools et de chocolats (*soupir de nostalgie*). En plus de vendre un bon paquet de trucs en tous genres et surtout, en plus d'être un pionnier de la production de Techno – ce disquaire à ce que je sache, a produit de grands noms du genre et s'est fait des c*****s en or – mon cher disquaire donc (nan mais vous avez vu toutes les digressions que vous me faites faire...) avait un petit rayon bien fourni en metal dans lequel vous aviez de grandes chances d'y croiser quelques chevelus en perfecto et baskets. Qui n'étaient pas si méchants que ça en fait, juste un peu misanthropes. Parmi eux : mon beau-frère.

Victime d'alopécie, c'est pourtant lui qui m'a plus ou moins initié au metal extrême. Et qui a tout perdu de sa passion aujourd'hui, le con (faites des gosses et toussa : voilà le résultat !). Et c'est ainsi que nombre de ses achats se retrouvèrent entre mes mains toutes jeunes et non poilues à l'époque. Et qu'ils passèrent sur la platine vynile ensuite (les CD à l'époque n'avaient pas le monopole du coeur) pour violer mes oreilles et mon jeune cerveau innocent (...) et finir par me rendre complètement accro au metal extrême. J'ai quai tout récupérer désormais (sympa de sa part). Ça c'est Satan comme histoire, hein ? C'est ainsi que BLASPHEREION et son « Rest in Peace » nous connaissâmes... Bon fini le romantisme, passons aux choses sérieuses.

BLASPHEREION était le second groupe sérieux de deux futurs membres d'ENTHRONED, après avoir évolué dès 1986 sous le nom de MORBID DEATH (une démo en 90 au compteur) : le regretté Cernunos (basse et vocaux) et Namroth Blackthorn (batterie). Je vous parlais de la Belgique, au début car nos chevelus étaient de Charleroi. Ils y racolèrent deux inconnus pour cajoler les guitares. A l'époque, le metal extrême au Benelux vivait fort bien. Quelle époque bénie... Mais bon c'est fini. BLASPHEREION, c'était en 1991. Et sitôt né, sitôt le premier disque sorti ! De vrais éjaculateurs précoces me direz-vous. BLASPHEREION sort ainsi d'entrée de jeu « Rest in Peace », onze pièces pour cinquante-deux minutes : et c'est le jeune label français Osmose Productions qui les a alors produit (qu'est-ce qu'ils étaient aimés Osmose Productions en ces temps !).

Ancré dans le Doom/Death genre ASPHYX ou DELIRIUM (Hol) et l'Evil Death Metal à la old-DEICIDE (pour les parties qui tabassent), l'ensemble relevé d'une pointe d'UNLEASHED, « Rest in Peace » est une formidable claque dans ta gueule. « Rest in Peace » est ce genre de missile qui écrase de tout son poids l'esprit de l'auditeur tout en lui foutant quelques torgnoles bien senties qui lui déboîteront les cervicales - pour le sortir de sa torpeur dans laquelle le plonge l'écoute de ce disque maléfique et pesant... BLASPHEREION maintient votre tête sous l'eau ou vous enterre vivant, vous abandonnant à votre Mort sans rien regretter de ses actes. Les mélodies coulant comme le Styx en Enfer alternent comme je l'ai dis avec de gros passages plus bourrins, de temps à autre accompagnés de solii de bonne facture. Les passages processionnaires qui vous mènent au cimetière sont également un régal - lents et lourds : aaaaaarghhh !

Les hits s'enchaînent sans problèmes et on les dévore avec régal. En outre, la production épaisse fait de « Rest in Peace » une pièce mastoc à l'aura bien sulfureuse qui perso, me fait bien bander [un titre diabolique et rapide comme Demon's Blood me fait penser au Malleus Maleficarum de PESTILENCE – je constate encore une fois que Belgique et Pays-Bas étaient très liés à l'époque]. L'énorme voix inhumaine et affreusement grave de Cernunnos est gerbante à souhait, entraînant l'esprit vers des images de terre humide et embrumée... Niveau batterie, ça assure un max : lourdeur et précision sont de mise. Les guitares répondent présentes mais si j'ai un reproche à faire ce disque, c'est qu'elles sont un peu en retrait, se fondant dans la masse sonore. Même la basse manque de présence. Bref : l'ambiance nécrotique est là et ça c'est le plus important.

Ces garçons savaient ce qu'ils voulaient et comment ils comptaient y parvenir. Ils voulaient faire du Metal de la Mort : un chant funèbre pour votre misérable existence. C'est ça aussi le Death Metal, une pestilence qui vous rongera doucement mais sûrement... Le Death Metal, ce n'est pas forcément de la vitesse extrême et de la technique à foison. Non. Pour moi même, le Death Metal le plus parlant est celui de BLASPHEREION.

Par la suite nos Death Metalleux mirent en boite une démo (ils firent les choses à l'envers...) et hop : R.I.P BLASPHEREION ! Et vive ENTHRONED. Assez ironique en fin de compte, vu le titre de l'album... Mais BLASPHEREION fait aujourd'hui partie des formations Death Metal cultes et des références dans le genre. « Rest in Peace » commence d'ailleurs à dater sérieusement. Son Death Metal morbide est le genre de Death qui fait recette dans une certaine frange de l'Underground, tant du côté du Death que du BM. Le Doom/Death revient donc à la mode et si on peut en faire un « Blackened » Death Metal, c'est encore meilleur (qui a dit NECROS CHRISTOS ?)

« Rest in Peace », enregistré à l'A.G.S. Studio, est une recette de chaudron aux ambiances collantes, sataniques et macabres. C'est poisseux et poussiéreux à la fois. La voix de Cernunnos vient du tréfond des boyaux. La production est organique et précise. Ça groove, ça tabasse mais surtout : ça vous pèse sur le cœur et l'estomac. C'est du Metol de la Mort. BLASPHEREION, ça tue, forcément. 3,5/5


PS : je remercie Deadcom pour son aide à la rédaction, le Death Metal n'étant pas le genre que j'écoute le plus. Vive le (vieux) Death Metal !