Quelques années après le très hypnotique "Nothing", MESHUGGAH nous livre un EP intitulé "I". Le nom ne vous parle pas beaucoup ? C’est normal. Difficile même de savoir si c’est le un en chiffre romain ou le moi en anglais… Je pencherai plutôt pour la seconde solution, mais bon, vous connaissez MESHUGGAH (si vous vous intéressez à un EP) et donc vous savez tout comme moi que les paroles sont très difficiles à interpréter, même pour un anglophone. Enfin bref, le titre n’est pas le plus important…

L’EP est composé d’un unique morceau éponyme de vingt minutes. Mais je vous rassure tout de suite, c’est un genre de morceau qui peut se découper aisément en plusieurs pistes distinctes. On est loin des morceaux de SUNN O))) au mono riff d’une demi heure. Ce que je veux dire, c’est que la piste est extrêmement variée, alternant sans cesse différents riffs, des passages rapides et des passages calmes, des solos plus tarés les uns que les autres… Le tout étant lié de manière logique et cohérente, de façon à ce que l’ensemble soit fluide et sans interruption notable.

On est ainsi entraîné dans un tourbillon chaotique sans aucun repère. Une métaphore loin d’être inutile car certains anglophones parleraient de paroles faisant allusion à un trou noir, tout en n’étant pas vraiment sûrs. C’est dire à quel point les paroles peuvent paraître complexes pour nous, français. (On ne leur en veut pas, MESHUGGAH n’est pas un groupe à texte mais plutôt d’ambiance.) À noter aussi que la pochette pourrait aller dans ce sens, libre à vous de choisir une interprétation.
Donc, rien à quoi s’accrocher, comme d’hab. Musicalement, on est en face d’un "Nothing" plus brutal ou d’un "Chaosphere" plus travaillé. Même bien plus travaillé. Tout est calculé très précisément. Il n’y a aucune place pour le hasard ou l’improvisation. La moindre note est vérifiée et revérifiée à tel point que le tout semble complètement déshumanisé. Plus proche de la machine que de l’homme.

Et tout est voulu dans ce sens : la déshumanisation. On s’en rend vite compte instrumentalement : la batterie mise en avant ne joue quasiment qu’en polyrythmie. La guitare rythmique distendue au possible ne fait que suivre de manière lancinante la batterie à tel point qu’on se demande à la fin si on peut appeler encore ça une guitare. La guitare principale ne nous envoie que des solos plus mélancoliques et déjantés les uns que les autres. Et par-dessus tout, le chant Jens Kidman : toujours hurlé, une teinte métallique et un fond de désespoir en plus.

Je ne vais pas entrer dans les détails en ce qui concerne la composition de l’unique morceau. Disséquer un morceau aussi long est vraiment une tâche fastidieuse, surtout quand on sait que le schéma (ça fait un peu mathématique, certes, mais c’est voulu) de la piste ne garde pas plus de deux minutes la même forme. Vous m’en voudrez pas j’espère !

Pour conclure, je dirai que cet EP, peu accessible, a très bien sa place entre "Nothing" et "Catch 33". Nos Suédois poussent encore une fois les limites du Metal, avec quelque chose d’encore plus déshumanisé et calculé que ces prédécesseurs. Mais jusqu’où iront-ils ? Eh bien, jusqu’à "Catch 33" qui marque l’album le plus extrême dans le genre, le prochain album sera lui un retour aux sources.
Bref, un EP de très grande qualité qui a pour mérite de ne pas lasser son auditoire même après des multitudes d’écoute. Un EP qui ravira à coup sûr les fans du groupe.