Perdu au beau milieu de la discographie chaotique d'un artiste obscur, "...А Колесо Все Скрипит..." n'avait que peu de chances d'intéresser les foules. Les probabilités ont parlé, le disque reste encore aujourd'hui inconnu des grandes masses metalliques, et même les plus odieux partisans de l'underground ne sont pas tous au courant de la particularité de la galette.

Particularité toute musicale et conséquence d'un choix artistique délibéré, forcément intéressante. "...А Колесо Все Скрипит..." est gavé d'influences heavy metal, et pas seulement ! Un premier titre à la cadence faible pour du black metal réputé très carnassier, un mid-tempo lourd riche en revendications. Mais nous n'y sommes pas encore.

Un deuxième morceau respectueux des règles classiques, soufflant un climat de haine sur des riffs plus typiques du genre dans lequel officie, nul doute là-dessus, LUCIFUGUM. Mais déjà, passé le pont, se produit comme une mutation imparfaite. Un spectre qu'on n'attendait certainement pas ici, l'ombre du grand IMMORTAL se dessine grossièrement par les arabesques de guitares moins farouchement vindicatives et épaulées par une voix imitant involontairement le gosier d'Abbath.

Troisième plage, le doute n'est plus permis. Le tempo conserve une allure modérée, les riffs épousent un style de plus en plus heavy. Marque de fabrique de l'orchestre, la production poisseuse trouble l'audition et le contraste est immense avec le parti pris choisi par le colosse norvégien après quelques années de souterrains. Mais une fois les esgourdes habituées à cette esthétique finalement savoureuse et particulièrement seyante à ce genre d'artiste, les détails se font plus précis et la trame heavy devient évidente. De brillantes pauses en son clair et une accélération finale impulsée par une basse toujours à son aise dans l'univers de LUCIFUGUM pimentent un exercice passablement réussi.

Quatrième épisode, l'intro noire laisse le champ libre à un nouveau riff estampillé hard rock lourd des années 80. Un deuxième riff moins facile à cataloguer, un troisième tout en cavalcade, une composition dont la valeur tient à ses enchaînements étonnants.

Titre final, apothéose digitale speed thrash et retour du mid tempo qui domine l'ensemble de la galette. Quelques plans à la SLAYER et une conclusion furieuse.

Il était bien impossible de s'en douter à priori. La cause est pourtant désormais entendue, le verdict unanime, "...А Колесо Все Скрипит..." regorge d'influences contradictoires et intelligemment agencées les unes aux autres. Black selon de nombreux critères, toujours cru, mais aussi tour à tour heavy, thrash ou punk, le disque s'extirpe du peloton des productions sans relief et permet, à défaut d'une absolue brillance qui aurait encore fait grossir son statut, de redorer le blason de son géniteur qui a, depuis quelques années, la bête idée de tomber dans l'atroce alors qu'il savait auparavant, nous en avons ici la preuve indubitable, faire preuve d'une véritable inventivité et d'un réel talent de recycleur.