Il faut être courageux, quand on est un nouveau groupe dans le circuit en 1993, de sortir un album estampillé hard rock/sleaze. En effet, il n'est pas de bon ton de défendre les couleurs du Hard US sous toutes ses formes à une époque où le grunge et le crossover dominent (presque) sans partage le paysage du rock américain. Pourtant, un quintette répondant au nom de Slam St. Joan se fiche pas mal de ce qui est à la mode et sort en 1993 "Saved by grace", son premier effort discographique.

Cet album sort sur un label indépendant, ce qui diminue davantage ses chances d'attirer l'attention du public. Cependant, les fans de L.A.Guns, Skid Row, Junkyard et consorts qui sont à l'affût du moindre groupe susceptible d'émerger dans leur créneau auront remarqué Slam St. Joan.

Il faut dire que la qualité est au rendez-vous sur cet album. Et ce n'est pas "Saved by grace", le premier titre de l'album, qui m'incitera à les contredire: ce brûlot hard rock/sleaze, à mi-chemin entre Skid Row et L.A.Guns, dépote, fait taper du pied, sans compter que son refrain pétarade. Slam St. Joan enchaîne les bons titres avec beaucoup de maestria, de conviction, comme le prouvent "Blinded by fire", un mid-tempo hard bluesy survolté avec une sensibilité à fleur de peau sur le refrain, qui nous ramène en 89-90(et fait un peu penser aux Junkyard, Johnny Crash), "Shine on", qui est l'archétype du Hard US festif(en particulier sur le refrain) et sur lequel le quintette ricain montre son sens de la mélodie, l'up-tempo sleazy et incisif "Slam St. Joan" qui dégomme sec et que ne renierait pas Skid Row, "Roll the boys over", une compo sleaze-rock effrénée, déchaînée, tour à tour remuante, contagieuse, festive, virevoltante(wouah, cette batterie pétaradante !!) qui se montre résolument aux antipodes de ce qui était en vogue à l'époque, le mid-tempo "Eyes", à la fois venimeux et catchy.

Composer des titres de hard rock, parfois à tendance sleaze, efficaces, c'est bien. Arrondir les angles tout en étant inspiré, c'est encore mieux pour varier les plaisirs. C'est ce qu'a dû se dire Slam St. Joan. Et le groupe le prouve sur "Just like the blues", un blues électrique très roots(le titre est fort bien approprié), prenant, irrésistible avec un somptueux son de guitare, la compo acoustique joviale "Best of me" qui fait penser à la version unplugged de "You're crazy" de Guns N' Roses, ou encore sur la ballade 100% acoustique "Emotional suicide", superbement mélancolique, qui n'est en aucun cas une chanson sur le suicide(ce que le groupe a clairement précisé à l'intérieur du livret). En revanche, on préfèrera oublier l'autre ballade acoustique "Your light", plutôt quelconque, sans grand intérêt.

Avec "Saved by grace", Slam St.Joan s'était fendu d'un premier album studio fort prometteur sur lequel il a montré son sens de l'efficacité, ses capacités à composer des titres qui font mouche. Mais vu le contexte, il lui était difficile de faire son trou. On remarque notamment que le chanteur Rob Creek, dans un style assez proche de celui de Phil Lewis(L.A.Guns), sait moduler sa voix et contribue à apporter un plus aux compos. Par la suite, Slam St. Joan a disparu de la circulation et, avec le temps, est devenu un groupe culte auprès des fans de Hard US, de hard rock/sleaze, d'autant qu'on ne voit aucune photo des musiciens à l'intérieur du livret(ce qui entretient un certain mystère chez ce combo).