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POST-HARDCORE  |  STUDIO

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PROTEST THE HERO - Kezia (2006)
Par BAAZBAAZ le 23 Juin 2006          Consultée 4711 fois

Hallucinante et éreintante. Difficile de qualifier autrement la musique de Protest The Hero. C'est la face sombre et brutale de Avenged Sevenfold : même goût pour le mélange des genres, même déflagration sonore totalement ahurissante. Mais sans les tubes calibrés. Sans les mélodies rassurantes et les refrains commerciaux. En un sens, ces deux groupes avancent sous une même bannière. Ils n'ont que faire des frontières musicales, des chapelles et des petites sectes repliées sur un unique style monolithique et immuable. Ils n'ont aucun respect des codes, des clichés propres à chaque petite subdivision de la scène metal, punk ou hardcore. Et ils ne sont pas en train de se construire une forteresse imprenable bâtie sur un seul genre, sur une défense intégriste de tel ou tel type de musique. C'est leur côté anarchiste. Le heavy, le speed, le thrash, le metalcore : tout ça est fondu dans un seul disque, et dans chaque chanson. Chez Avenged Sevenfold, c'est coloré, tapageur et épique. C'est un joyeux bordel qui rend un vibrant hommage au metal européen. Chez Protest The Hero – groupe canadien qui sort là son tout premier album –, c'est froid et agressif. C'est une galaxie de sons incroyables joués à la vitesse de la lumière, une galaxie glacée et vide de toute émotion.

Attention : cette musique est d'une intensité totale, absolue. Et c'est pour cela qu'elle est si épuisante. Tout ici est calculé à la perfection. Les brusques cassures de rythme – à chaque seconde ou presque –, la furie incessante des guitares, la voix dramatique, souvent mélodique, parfois hurlée. Quelque part entre At The Drive In et le metalcore le plus extrême et le plus technique. On peut appeler cela du post-hardcore, du thrash, de l'emo, peu importe tant il est difficile de se raccrocher à un style bien défini. Certains parlent aussi de mathcore, ce qui après tout, n'est pas mal : Protest The Hero joue une musique ultra-complexe, avec une approche presque chirurgicale et scientifique. Comme si chaque son avait été d'abord pensé, réfléchi travaillé pendant des mois, avant d'être soudain balancé au milieu de compositions débridées et tourbillonnantes. Il y a ici une tension permanente entre la spontanéité punk, la fraîcheur d'un groupe de gamins qui jouent à cent à l'heure en gueulant tout ce qu'ils peuvent, et une intellectualisation radicale du rock : cette musique a d'abord été calculée et mesurée avant d'être lâchée dans une tornade sonore délirante. La légende veut même que les membres du groupe aient reconnu avoir écrit une musique bien trop complexe pour leur propre niveau technique...

Et à entendre ce disque, on comprend que ces sons-là dépassent de loin ceux qui les jouent. Il n'y a pas une minute de répit, pas un riff simple et direct, pas un plan qui dure plus d'une poignée de secondes. Ne vous y fiez pas : il n'y a pas seulement dix chansons. Chacune d'entre elles en recèle dix autres, mille autres. On commence sur du heavy/speed à l'européenne et on enchaîne avec du metalcore, du thrash-prog juste avant qu'une petite voix légère prépare un final instrumental joué au piano : vous y êtes, c'est « Divinity Within ». Un riff hardcore, un chant typiquement émo, des chœurs rageurs, un éclair acoustique : « Blinfolds Aside » vous prend à la gorge et la désorientation est immédiate. Tous les repères s'évanouissent dans un monde musical à la fois complément éclaté, débridé, et d'une cohérence indiscutable. On peut parler de performance : les musiciens donnent tout ce qu'ils ont pour jouer la musique la plus dense et la plus effrénée possible. Et quand le dernier morceau, « A Plateful of Our Dead » s'achève doucement, tout en ambiance – presque intime – on reprend enfin ses esprits en mesurant le chemin parcouru. Et c'est là aussi que l'on se rend compte, soudain, que la fin de l'orage, des riffs et des guitares enivrées amène une sorte de… soulagement.

Ce disque est une pièce d'orfèvre, mais aussi un cauchemar : c'est une œuvre épileptique, pleine de soubresauts démentiels, sans fin, sans arrêt. Passé la stupeur et l'émerveillement, devant tant de force et de richesse, on a presque envie de lever le drapeau blanc. Par pitié, un riff qui tienne plus de deux ou trois secondes… par pitié, une bonne vieille rythmique linéaire et non pas syncopée et frénétique… par pitié, un refrain, une mélodie simple, quelque chose à quoi se raccrocher. Jamais. Jamais le groupe ne répond à l'appel de celui qui, désemparé, fait face à cette musique dont la technicité et la complexité est d'une brutalité sans nom. Ce disque – Kezia – est parfois plus dur à écouter que le grindcore le plus extrême. Et il rend d'autant plus splendide et serein le silence qui survient une fois que la dernière chanson se termine enfin. Oui, le silence, le calme, de l'air, et non plus l'oppression titanesque et insupportable – sur la durée – d'une musique impitoyable. Peut-être faut-il juste éviter de tout écouter d'un coup. Et attendre le prochain album d'un groupe au potentiel éblouissant, mais qui s'est sans doute perdu dans son propre génie. D'accord il faut entendre ça, il faut prendre le risque. Mais il ne faut pas non plus avoir honte de s'avouer vaincu et de préférer finalement le gazouillement des oiseaux.

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   BAAZBAAZ

 
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- Rody Walker (chant)
- Tim Millar (guitare, chant)
- Luke Hoskin (guitare, chant)
- Arif Mirabdolbaghi (basse, chant)
- Moe Carlson (batterie)


- Kezia
1. No Stars Over Bethlehem
2. Heretics & Killers
3. Divinity Within
4. Bury The Hatchet
5. Nautical
6. Blindfolds Aside
7. She Who Mars The Skin Of Gods
8. Turn Soonest To The Sea
9. The Divine Suicide Of K.
10. A Plateful Of Our Dead



             



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