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2006 For The Taken

MERCY FALL - For The Taken (2006)
Par BAAZBAAZ le 30 Août 2006          Consultée 3442 fois

De temps en temps, il y a des disques comme ça, qui accrochent l'oreille. Alors que les deux ou trois premières écoutes ne laissent rien filtrer, ni originalité, ni compositions vraiment ébouriffantes, on finit par se laisser prendre au jeu. Au lieu d'aller directement à la poubelle sans même passer par la case chronique, destin qui semblait pourtant écrit d'avance, For the Taken est de ces albums qui surprennent en prenant leur temps. Un fois les riffs principaux mémorisés, les refrains digérés, on se met à tirer le fil d'un disque qui, lentement, doucement, se révèle décisif. Difficile d'expliquer à quoi ça tient. Mais tout mélomane digne de ce nom aura reconnu ici un processus assez classique : malgré les premières impressions mitigées, on y retourne, une fois, deux fois. Car derrière la façade trompeuse de banalité, derrière le post-grunge stéréotypé, on sent bien qu'il est possible de découvrir autre chose ; une vraie musique, des mélodies personnelles et non pas récupérées à droite ou à gauche chez les ténors du genre – Nickelback et Audioslave en tête.

Au premier abord, c'est du post-grunge pur jus. Mais un post-grunge qui prend des colorations particulières, qui gagne une identité propre, une efficacité intrigante au fur et à mesure que l'on parvient à s'en imprégner : il faut simplement supporter les clichés qui sont la marque de fabrique du genre. C'est-à-dire pour faire vite les montagnes russes qui caractérisent le post-grunge depuis maintenant une dizaine d'années. Sans oublier l'autre commandement gravé sur les tables de la loi ce style populaire, toujours en vogue aux Etats-Unis : la voix, sombre et rauque, si possible un peu rugueuse ; directement puisée chez Eddie Vedder ou Layne Staley. Des montagnes russes ? D'abord des couplets calmes, dramatiques et intenses, à tel point parfois que celui qui n'écouterait que le début de chaque morceau pourrait avoir l'impression qu'il n'y a que des ballades ou des complaintes acoustico-soporifiques. Erreur. Car le post-grunge excelle en général dans les démarrages tardifs, les refrains bardés de guitares heavy et les breaks chauffés de riffs incandescents.

Mais ces codes, après tout, laissent une marge de manœuvre que Mercy Fall, sur son premier album, ne se prive pas d'exploiter. Dès l'entrée en matière – colérique et acérée – que constitue « Insurmountable », on découvre un groupe qui récite ses classiques tout en se ménageant un petit espace de créativité : le refrain, à chanter la mâchoire serrée et le poing levé, est d'une simplicité confondante, tandis que la voix assez spéciale de Nate Stone, agréablement maniérée et chevrotante par moment, sait se faire brutale à la manière d'un Ryan McCombs, l'ancien (et très bon) chanteur de Soil. Le tout posé sans ménagement sur un torrent de lave en fusion, chaud et visqueux, que les guitares déversent dans un flot continu et obstiné.

Un torrent de lave sur lequel on navigue à vue, entre clichés post-grunge et inspiration débridée : se succèdent sans heurt « Hangman » et « Worth » jusqu'à l'excellent « I Got Life », sa petit rythmique tribale à la Tool, sa montée en puissance et ses explosions de rage. Les mélodies vocales de Stone prennent de l'épaisseur, et chaque écoute confirme son talent ; il sait manier les émotions les plus paradoxales, de l'angoisse à la hargne, et il accompagne et renforce le côté lunatique de la musique, entre ambiances sombres et explosions heavy. Mercy Fall n'est jamais totalement original, ni systématiquement surprenant. Mais on sent à chaque instant le besoin impérieux – et hélas réfréné – d'expérimenter de nouvelles structures sonores.

C'est ce que prouve « No More Silence », à la fin de l'album. Une sorte de magma haché et brouillon qui, malgré un aspect un peu bruitiste et superflu – n'est pas Tool qui veut – procède d'une vraie volonté d'échapper à la routine du post-grunge lambda. Et cette volonté se ressent d'autant plus que l'album est loin d'être linéaire. A une première partie plutôt coriace, où le metal se taille la part du lion, répond une série de compositions plus lentes, plus douces : « Here I Am » et « In Doubt » sont de gentilles aubades folkeuses et tristounettes comme Pearl Jam a pris l'habitude d'en écrire régulièrement. Là, le fan de hard rock doit un peu s'adapter ; soit il accroche à la morosité ambiante, aux émotions torturées et lancinantes – d'autant que le talent du groupe aide à faire passer la pilule –, soit il s'arrête à la moitié du disque. Mais ce serait dommage, car il manquerait alors « Fade », superbe apogée dans l'émotion : une chanson poignante et cinglante qui justifie à elle seule le passage à un registre certes plus calme mais qui vous prend à la gorge par son intensité et en devient presque violent.

Les mauvaises langues diront juste que For The Taken est inégal, qu'il ramollit sur la fin. Mais il suffit d'être prévenu. Comme avec un disque de Pearl Jam, il faut savoir apprécier autant la fureur que des émotions plus subtiles et plus exigeantes. Et c'est ce qui fait la force de Mercy Fall : une capacité à tourner les clichés à son avantage, à ne pas vouloir à tout prix – ou à chaque fois – l'efficacité ou l'immédiateté. Les morceaux violents se nuancent au fil des écoutes, et les passages plus lents gagnent en profondeur. Espérons simplement que le bide commercial qu'a connu le groupe – qui a planté son plan marketing – ne l'empêche pas d'évoluer sereinement et de peaufiner son identité. Car le post-grunge, croyez-le ou non, est un univers impitoyable.

Un groupe de post-grunge qui ne squatte pas les charts, c'est un groupe condamné.

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- Nate Stone (chant)
- Jeff Lusby (guitare)
- Kieran Smiley (basse)
- Ethan Rea (batterie)


1. Insurmountable
2. Hangman
3. Worth
4. Not Broken Down
5. I Got Life
6. Here I Am
7. Fade
8. Hush
9. In Doubt
10. Wake
11. No More Silence



             



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