GORDIAN KNOT est un projet de Sean Malone, bassiste de grand talent, futur Docteur en Théorie Musicale et professeur de Théorie et d’Analyse Musicale à l’Université d’Oregon … Dans le monde du Metal, on évoque souvent sa participation, en 1994, à l’album « Focus » de CYNIC, étonnant combo de Death Metal expérimental et technique. Mais le jeu de Sean, adepte du Stick Chapman 12 cordes, est d’une approche plutôt Jazz, à la fois subtil et volubile … De quelle sorte d’alchimie notre homme, entouré d’un line-up assez hétéroclite, allait-il donc user sur ce nouvel opus ?

Incorporant avec habilité des influences aussi variées que le Jazz Rock, le Metal, la World Music et le Rock Progressif, entièrement composé par S. Malone, S. Reinert et G. Snelwar - excepté « kom sûsser Tod, kom sel’ge », une œuvre solennelle et baroque de J.S. Bach) - ce 1er album éponyme est emprunt d’une rare cohésion musicale. Et le reste est du même acabit, aveu du perfectionnisme dont S. Malone fait preuve à tous égards : livret très (très) sobre au graphisme digital et ésotérique, production et mixage impeccables, son limpide, rien n’est laissé au hasard.

De façon assez classique et inévitablement réductrice, les morceaux peuvent être référencés en deux catégories. D’une part les pièces paisibles, éthérées et parfois un peu étranges. D’autre part, les titres plus virulents, emplies de furieuses envolées, et souvent ponctués d’accalmies électro-acoustiques de toute beauté. Dans la première catégorie, j’ai un faible pour « galois » et son ambiance aquatique, irréelle et troublante, ainsi que pour « redemption’s way », avec ses percussions lancinantes, son thème nostalgique et ses soli ahurissants de guitares saturées. Et enfin, pour « grace », dont le titre dépeint fidèlement la sensation que l’on ressent à son écoute. Dans l’autre catégorie, « code/anticode » alterne, pour notre plus grand bonheur, des effusions Jazz Rock (guitares véloces et incisives, rythmes syncopés) et des parties un peu plus calmes, à tendances Canterbury (on songe à HATFIELD AND THE NORTH pour l’orgue utilisé en rythmique et les solos, franchement déglingués sur les bords). Et puis, il y a « rivers dancing », un chef-d’œuvre d’élégance et de folie furieuse. Intro : rythme hyper speed et saccadé, débauche de thèmes enchevêtrés de guitares enragées et basse épileptique à la J. Pastorius [WEATHER REPORT]. Cette frénésie est suivie d’une éclaircie acoustique et céleste, d’un (trop) court mais jouissif solo de basse, et d’une cascade d’arpèges éblouissants. Puis la folie reprend, cette fois avec un solo de guitare CRIMSONien complètement halluciné et, en conclusion, une partie plus calme, avec un autre solo de guitare, monstrueux et archi mélodique.

Que demander de plus ? D’excellents instrumentistes, une musique sophistiquée mais pas prise de tête, quelquefois extravagante mais toujours très agréable, bref : un CD à découvrir et qui mérite franchement que l’on s’y attarde, encore et encore...

PS : Sur le prochain album, normalement prévu pour Janvier 2002, Steve Hackett [GENESIS] et Bill Bruford [YES, KING CRIMSON, UK] seront de la partie, je ne vous dis que ça !