Voilà un groupe qui avait des atouts intéressants pour faire une belle carrière, mais qui a été lamentablement plombé par sa maison de disques(Virgin). Formé en 1988, Asphalt Ballet est un quintette americain pratiquant un hard Rock bluesy de qualité et de classe.

A l'écoute de ce premier album éponyme de Asphalt Ballet, on est tenté de rapprocher celui-çi de Little Caesar ou des traveux de Cinderella sur l'album "Heartbreak station". La voix rugueuse de Gary Jeffries apporte aux compos un côté brut appreciable.

Si le premier titre "Hell's kitchen"(dont l'intro représente le bruit d'une moto qui démarre), joué sur un tempo furibard, louche ostensiblement vers du côté du heavy-Rock musclé proche de Skid Row, la suite, elle, est à connotation résolument bluesy. "Soul survive" est terriblement accrocheur en raison de son refrain efficace et ensorcelleur et des riffs bien foutus. On signale, par ailleurs, que Gary Jeffries sait moduler sa voix et la faire évoluer dans un registre plus mélodique et qu'un petit pont acoustique intervient au milieu du titre. L'ensemble sonne de façon juste et cohérente. En matière d'efficacité, on mentionnera le groovy et swinguant "Unlucky Mr. Lucky", mis sur orbite par un harmonica de circonstance, le festif et chaleureux "End of my rope" qui se rapproche du Rock sudiste et, de surcroit, se voit renforcé par quelques cuivres du plus bel effet, "Goodbye yesterday" et son refrain magnifique sur lequel on peut entendre quelques choeurs gospellisants, "Taking a walk" qui voit les guitares chaudes et incandescentes s'exprimer sans retenue et s'achève en apothèose, ainsi que l'excellent "Hangman swing", servi par des riffs tranchants, un refrain appuyé par des choeurs virevoltants et gorgé d'harmonica.

Dans un autre registre, "Wasted time"(co-écrit avec West Arkeen, un ami des Guns N' Roses à l'époque) et "Heaven winds blow", qui fleure bon l'Amerique profonde, sont de très jolies ballades acoustiques sans fioritures. Quand à "Do it all over again", c'est un blues acoustique court, mais authentique, profond et de très haute volée. D'ailleurs, les paroles disent dans le 1er couplets "I'm no millionaire/I don't wear a tie/I don't comb my hair", et dans le 2ème couplet "I don't have all the class in the world/And I don't go by duke or earl/But I'm satisfied". Peut-on faire plus bluesy que ça ?

Ce premier effort discographique de Asphalt Ballet est une belle réussite, hormis 2 titres plutôt moyens, sans éclat, et c'est un réel plaisir d'entendre un si beau son de guitare, tant en électrique qu'en acoustique. Quand au chanteur, Gary Jeffries, il a mis tout son coeur dans ce disque, et cela s'entend. Pour l'anecdote, ce disque est sorti le même jour que "Nevermind" (est-il nécessaire que je vous dise de qui il s'agit ?), donc c'était le mauvais moment. Si ce disque était sorti 2 ans plus tôt, il aurait peut-être eu sa chance. Malheureusement, sa sortie en 1991 a dissuadé sa maison de disque de le soutenir plus efficacement et, pire, celle-çi a fait pressionsur Asphalt Ballet afin de le rendre plus grungy. Par la suite, le chanteur Gary Jeffries, refusant de se soumettre aux tendances en vogue, quittera le groupe et ce dernier sortira un deuxième album("Pigs") en 1993 qui collera plus avec la mode grungy, ce qui provoquera sa perte.