Cela fait déjà de nombreuses années que le monde du heavy est malade, malade de ses groupes qui se contentent la plupart du temps de singer leurs aînés avec un talent souvent approximatif, malade de ses fans qui semblent se contenter d’une offre sans saveur et qui se satisfont des poncifs accumulés depuis des années. Constat amer, écrasant de subjectivité et de provocation et visant le point sensible.

Pourtant, certains, moins fatigués que la masse, savent encore soulever leur postérieur du divan pour aller ouvrir les fenêtres quand l’air vient à manquer. Les Canadiens de THREE INCHES OF BLOOD font partie de ces jeunes qui refusent les conventions ridicules et tentent de bousculer les clichés que beaucoup n’acceptent que par pure paresse. Ne les confondons pas avec les iconoclastes désireux de détruire tous les piliers du temple, ce sextette originaire de Vancouver connaît parfaitement ses gammes, les exécute à la perfection sans jamais les bousculer. Chacun pourra, à l’écoute de Battlecry Under A Winter Sun, s’adonner au jeu des influences et cocher les noms d’IRON MAIDEN, MERCYFUL FATE et d’autres.

Les points qui rendent cette formation rafraîchissante se situent à deux niveaux. L’imagerie combine décalage et humour subtil, les membres affichant un look streetwear contredisant une musique dont beaucoup croyaient que les représentants se devaient, sous peine que le grand Cric ne les croque, de suer une vie durant dans des pantalons en peau de vache stérilisants tout en proposant des textes gras comme cette même vache à base d’heroic fantasy pour playmobil. La production fait un détour du côté des années 80 et fait preuve d’un charme auquel les moins jeunes succomberont. Les guitares ne sont pas dopées aux overdubs, la batterie n’est ni plate, ni trop envahissante et les accents cuivrés dont abusent tous les nouveaux héros du genre ont été laissés à la porte du studio d’enregistrement.

Les compositions ne révolutionnent en rien un style dont les lettres de noblesse ont été gravées il y a bien longtemps mais leur qualité excuse un manque d’innovation quasi-absolu. Adorateurs probables des grands du genre, ces six musiciens de Vancouver rendent un hommage sincère à leurs idoles sans tomber dans le plagiat risible. Le chanteur principal rappelle à la mémoire même des plus amnésiques le timbre suraigu et grinçant de King Diamond. Son interprétation parfaite et tout en contrôle satisferait la décadente Armande Altaï qui apprécierait certainement à leur juste mesure les hurlements du deuxième vocaliste, aussi discrets que précieux. C’est du côté de la troupe de Steve Harris qu’il faut chercher les influences des instrumentistes qui ne proposent pas un calque pénible des compositions du taciturne mais génial supporter de West Ham mais un hommage sans prétention riche d’une nostalgie bonhomme.

THREE INCHES OF BLOOD ne se verra peut-être pas consacrer un dithyrambe dans les livres d’histoire musicale mais, alors que de nombreux combos inutiles sont portés aux nues en usant de formules faciles et que le panthéon de heavy s’encombre de beaucoup de parasites, supporter ces Canadiens sympathiques serait un coup de pied salvateur dans une fourmilière endormie.