L’annonce de la sortie d’un nouvel album de SILENT WINTER était une excellente nouvelle me concernant. Si le combo grec n’a pas réussi à attirer votre attention avec ses deux solides premiers albums, il y a fort à parier que vous allez prendre une baffe avec "Utopia".

Le groupe lui-même conscient d’avoir repoussé ses limites et franchi un cap avec la conception de ce disque est ici totalement débridé. Ne reniant en rien son approche germanophile du Power Metal, il n’a fait depuis 2021 que renforcer son potentiel, et Kiriakos Balanos s’est même débarrassé de sa double casquette pour laisser entrer Maria Moscheta aux claviers, faisant donc de SILENT WINTER un désormais sextette. Ramassé sur neuf titres (onze pour la version japonaise, et même si la participation de Vassilis Georgiou (BLACK FATE, SUNBURST) est sympathique, "Heaven Dies" et surtout "Silent Rain" ne peuvent prétendre jouer dans la même cour que les neuf premiers numéros), "Utopia" reste pour le moment mon plus bel album de Power traditionnel depuis le début de l’année 2025. Voilà c’est dit.

Reprenant des recettes déjà éprouvées et connues de tous, les compositions de ce troisième album ont cependant en commun une grande force de conviction, une énergie de quasi tous les instants et on ressent un engagement, une conviction des protagonistes pour leur art bougrement communicatifs ! Vous serez catapultés chez GAMMA RAY ou INSANIA (qui a lui aussi sorti un très beau disque avec "The Great Apocalypse") sur l’ouverture "We Burn the Future" qui allie un chant agressif sur des couplets enlevés, des twin guitares au thème simple comme bonjour, des claviers qui ouvrent le spectre, et un refrain comme on n’en fait hélas plus de nos jours. Avec "Hellstorm" on est au contact des formations plus récentes à la BATTLE BEAST avec une tentation presque Dance Metal qui parvient à ne pas aller trop loin, scandant ses « heeeeellstorm » à répétition, bien qu’ils rentrent en tête dès la première itération, une performance que seul le vétéran IRON SAVIOR me semblait encore en mesure de produire (PRIMAL FEAR aussi même si on est moins proche pour le coup, quand bien même Mike Livas n’a rien à envier à Ralph Scheepers). On pensera aussi parfois à FREEDOM CALL pour ses refrains majeurs redoutables ("Reign Of The Tyrants").

Et passant à une allure folle, "Utopia" déroule sans forcer, avec cette même banane qui ne lasse jamais de barrer mon visage satisfait. Tant par les progrès accomplis, pas si évidents à pointer hormis du côté d’une efficacité toujours plus affûtée, d’un jeu de guitare plus recherché, tant dans le son (guitare acoustique, effet de flanger etc.). SI tout n’est pas encore parfait (le thème de "Hands Held High" n’est pas assez fort pour pouvoir se permettre d’être décliné sur une minute d’introduction), le groupe a tellement avancé dans tous les domaines que c’est le sentiment de satisfaction qui prédomine. Largement.

La coquetterie de SILENT WINTER réside toujours dans le chant de Mike Livas. Le vocaliste grec dispose de capacités visiblement très étendues, et d’un timbre éraillé qui convient à merveille à ce Power Metal plutôt frondeur. J’ai beaucoup pensé, en découvrant "Utopia" au deuxième album de LIONSOUL - "Welcome Storm" - qui m’avait fait une impression similaire. Mike Livas est très à l’aise dans ce chant qui doit pas mal à Halford, sans pour autant taper dans le clonage qu’on observe régulièrement dans le genre. Mais j’avoue que sur les morceaux plus plombés, Mike est tellement dans la surinterprétation qu’il laisse deviner de flagrantes influences MANOWAR, qui au final ne sont pas dérangeantes, mais qui surprennent un peu.

SILENT WINTER réussit en quelque sorte le parfait dosage, entre mélodies faciles, mais pas trop, des claviers qui viennent malgré tout assurer une coloration plutôt moderne à l’ensemble sans exagérer non plus, des guitares et un chant ultra concernés. On pourrait pousser jusqu’à la batterie qui ne perd jamais une occasion de se distinguer tout en faisant le lit pour les textes de Mike et les cordes des deux Vaggelis et de Kiriakos ("Silent Shadows", "Utopia"). J’avoue apprécier particulièrement la patate de son jeu sur "Manifest Of God", ou la pièce-titre qui vient refermer la version régulière de l’album avec panache.