Chroniquer, c’est laisser le temps à un album, parfois on a tout de suite le truc au bout de deux trois écoutes, on sait sous quel angle on va attaquer la musique, on est positionné sur un avis plus ou moins immuable et parfois il nous faut des mois, voire des années pour ne serait-ce que commencer à démêler nos pensées sur un album. Je n’avais pas laissé le temps à "As In Gardens, So In Tombs", le deuxième album de la reformation d’...AND OCEANS, sixième album de la discographie qui arrivait après un merveilleux "Cosmic World Mother" et qui, avec le temps, est un album que j’ai jugé trop hâtivement. Là où j’ai vendu une belle réussite dans ma chronique, "As In Gardens, So In Tombs" est un album qui aujourd’hui n’arrive plus à capter mon intérêt, un album qui s’est tout simplement effacé de ma mémoire et qui, malgré ses qualités, n’a pas su maintenir le groupe au niveau de ce qu’il avait fixé. Ainsi donc, vous imaginez mon appréhension à l’arrivée de ce "The Regeneration Itinerary", la peur de voir tomber un album autre oubliable de la part d’un groupe qui a toujours su me vendre du rêve était forte.

Et j’ai bien cru que le groupe allait me refaire le coup, j’ai écouté "The Regeneration Itinerary" deux fois le jour de sa sortie, puis je l’ai laissé reposer avant de le reprendre seulement une semaine après, l’avis que j’en avais alors était celui d’un fort bel album mais qui n’arrivait toujours pas à me replonger totalement dans l’univers du groupe. Quelle erreur putain. "The Regeneration Itinerary" est un album merveilleux et cette fois, il n’y a aucune Anima du futur qui existera pour me dire le contraire.

La formule sur ce nouvel album est globalement similaire à ce que fait le groupe depuis "Cosmic World Mother", à savoir un Black Metal assez rageur porté par de gros riffs mélodiques, le tout soutenu par moult arrangements symphonico-synthétiques (qui tendent ici encore plus qu’avant vers le synthétique d’ailleurs) et la voix absolument incroyable de Mathias Lillmåns (j’ai jamais compris pourquoi il arrivait pas à être aussi bon chez FINNTROLL). Mais du coup, qu’est-ce qui démarque cet album ? En quoi est-il meilleur que le précédent si c’est la même chose ? Bon déjà ce n’est pas tout à fait similaire, ici l’écriture des morceaux est déjà un cran au dessus et on a droit à un album bien plus varié dans son ton et ses ambiances. On retrouve ainsi quelque chose de très vindicatif sur "The Fire in Which We Burn" et "Towards the Absence of Light" qui ressortent en contraste à un "Förnyelse I Tre Akter" ou un "Prophetical Mercury Implement" plus planants et majestueux, et puis aussi il y a le retour de l’Électro qui vient sortir de merveilleux break sur "Inertiae" et "The Form and the Formless" en plus de renforcer un peu plus les claviers et on a même droit à une belle réminiscence du ...AND OCEANS de "Cypher" sur "The Ways of Sulphur" et la bonus track "The Discord Static". Franchement là dessus c’est une réussite. Au final il n’y a vraiment que "I Am Coin, I Am Two" qui ne ressort pas du lot en ne mettant rien de véritablement marquant en avant. Et pour rester dans le négatif, je ne suis pas trop fan de "The Fire In Which We Burn" qui est certes assez défoulant en étant vraiment le gros coup de violence de l’album, mais je trouve qu’en dehors de ça, elle ne propose rien de plus, surtout que le morceau finit de manière super abrupte et laisse un sacré sentiment d’inachevé.

Je ne vais pas aller par quatre chemins, mais qu’est-ce que cet album est beau. Vraiment, toutes considérations de violence et d’expérimentations Électro mises à part, on reste sur un Black Metal qui est en recherche constante d’émotions, de beauté et de majesté. Et alors là, qu’est-ce qu’il y a des merveilles à trouver dans cet album. Déjà, "Prophetical Mercury Implement", quelle dinguerie, le morceau commence en beauté et ne s’arrête jamais de devenir de plus en plus majestueux au long de ses six minutes, au point de me donner une petite étoile dans les yeux, vraiment le meilleur morceau de l’album. "Förnyelse I Tre Akter" aussi propose quelque chose de très beau, bien que son démarrage est plutôt convenu, dès qu’une cloche retentit sur le morceau, il se métamorphose subitement pour se parer de ses plus beaux habits, et à nouveau, c’est totalement réussi. "The Form and the Formless" lui est déjà vraiment très chouette avec tous ses petits bidouillages qui ajoutent vraiment quelque chose et quand viens le petit break Électro qui lance un réel climax bien épique avec un glorieux chant clair de Lillmåns, c’est d’un jouissif ! Là je cite juste mes trois morceaux favoris hein, mais globalement, vous avez de quoi faire, et si vous en avez la possibilité, écoutez aussi la version deluxe, les deux morceaux bonus sont eux aussi assez recommandables.

Donc oui, ...AND OCEANS revient à nouveau pour me ravir et me combler de joie. Si on peut peut-être regretter une formule qui n’évolue pas tant que ça hormis un apport Électro plus poussé, force est de constater que le groupe repose sur une formule des plus solides et qu’il sait proposer de vrais beaux instants de grâce bien marquants. Allez, on se retrouve au prochain album et cette fois, j’irai avec toute la bonne volonté du monde, et si en plus, vous pouvez un peu plus creuser avec l’Électro, ça ferait de moi la plus heureuse des chroniqueuses.