C’est en se réconfortant à minima et en s’accordant un peu de baume au cœur, quitte à s’en foutre aussi plein les narines tant qu’à faire, que j’aborde l’écoute de ce troisième pugilat des Américains de PISSGRAVE. Ceux qui connaissent leur premier méfait, "Suicide Euphoria" à la pochette évocatrice et humant visuellement déjà les pires fluides, sorti il y a une décade, savent qu’il faut se prémunir du sadisme de ces jeunes premiers de la torture. "Malignant Worthlessness" clôture une trilogie exceptionnelle d’horreur, de putréfactions d’origine inconnue et d’artefacts ruisselant de sperme moisi. Oui, rien que cela et rien d’étonnant de leur part sachez-le. Qu’imaginiez-vous d’autres ?

PISSGRAVE est un pur groupe de Death Metal à tendance Gore certes, mais avant tout rustre, férocement et belliqueux au possible. Les vocaux disséminés au sein des titres, tels des amas envoûtants, sonnent comme une pluie acide qui ferait hurler la chair de supplications, les riffs larvent les oreilles de leurs assassinats sonores, la batterie compile des rythmes rapides et exhorte la haine la plus singulière à prendre le contrôle de la pensée. Mais ce qui fait surtout la plus-value de ce disque par rapport à la concurrence, c’est qu’il est mûri à point pour être dérangeant et macabre à la fois. Plus encore que son côté immonde avec cette esthétique très certainement repoussante pour nombre d’entre-vous (jetez un coup d’œil aux pochettes des précédents opus pour affirmer votre courage…), les textures visqueuses de l’album et la production pas si lo-fi que cela nous donnent pas mal de grain à moudre pour ne pas qualifier ou juger hâtivement cet album.

Composés tel un bloc unique, les titres de "Malignant Worthlessness" s’enchâssent et s’enchevêtrent pour ne nous laisser aucun répit, mais surtout pour maintenir notre attention d’écoute aux limites du supportable. Plus encore que le dernier REVENGE ou le dernier TEITANBLOOD, qui tous les deux cultivent également, sur le même territoire, la science du Death et du War Metal, PISSGRAVE nous assène des coups brutaux mais intelligibles. La science du riffing fait mouche sur ce troisième album. L’ambiance générale, si elle est bien trempée dans la sanie, manie la complexité et la puissance. Ça blaste sec mais c’est toujours propre. L’horreur est rampante et la brutalité sourde, les vocaux sentent la décomposition.

Des titres sortent du lot, mais l’album, d’une manière générale, nous partage une grosse demi-heure de furie. "Three Degrees Of Darkness" nous mord de ses crocs ténébreux et assoiffés, "Heaping Pile Of Electrified Gore" nous laboure la gueule tout en nous aboyant dessus, "Internement Orgy" et "Lamentation Of Weeping Wounds" nous hypnotisent en continu avec un riffing labyrinthique, suintant le caveau excavé. Et que dire de la dernière pièce, "Mystical Obscenities", qui lâche les chiens comme jamais jusqu’à ce que mort s’en suive. Nom d’un diable, écoutez-moi ce riffing irrésistible, la mitraille du trou de balle de la batterie et les vocaux brumeux et errants de Tim Mellon, quelque part entre le Black et le Death, multiplient les assauts tout en potentialisant cette malaisance. Le final apocalyptique est d’une saveur incommensurable et affine les derniers détails des lettres de sang de "Malignant Worthlessness"…

Un album de Death Metal aussi extrême et de cette trempe là ne peut passer inaperçu. S’il ne plaira pas à tout le monde, il nous mettra d’accord sur le dessein funeste et impitoyable que "Malignant Worthlessness" nous réserve. PISSGRAVE est vraiment singulier, et depuis "Suicide Euphoria", le groupe a fait son chemin en améliorant ses compositions tout en gardant son aura putride qui le caractérise, le définit et en fait un groupe inimitable et infréquentable. Voilà du Death donc qui en a, et pas que dans les burnes. Tim Mellon définit PISSGRAVE comme du « Death Metal haineux ». Nous ne le contredirons pas.