Parez vos arrières puisqu’une heure d’un tentaculaire mystère labyrinthique vous attend. L’atmosphère de ce premier album est spéciale : il y a quelque chose de très kaléidoscopique, tantôt BURZUM-ien, intrinsèquement ésotérique et rituélique aussi, tantôt progressif et sinueux, aux sentiers multiples et à l'onirisme puissant. CAVERNOUS GATE ne ressemble à nul autre, paraît étrange et singulièrement énigmatique. Formé uniquement par le multi-instrumentiste Sebastian Körkemeier alias Alsvartr de HELRUNAR, ce dernier nous sert un album aux volutes atmosphériques sombres et particulièrement denses.

Moins tourmenté que le projet de son compatriote Alexander Von Meilenwald, The RUINS OF BEVERAST, CAVERNOUS GATE en comporte pourtant quelques similarités. En tout cas tous deux pourraient bien se serrer la pince. Se débattant dans un Black Metal larvé d’un Doom et d’un Death aggloméré, notre Allemand saisit pourtant des ambiances moins lugubres que son homologue mais tire son épingle du jeu en les teintant davantage d’une puissante dose d’envoutement. Les compositions tels que "Conjuration" ont ainsi ce poison Doom dans leur rythme et leur sang. Différents types de chant alternent : doucereusement et profondément growlé, féminin, clair… Le tout sous la coupe d’un piano inquiétant s’imposant à la lourdeur des riffs ténébreux ainsi qu’au rythme lascif et empoisonné d’une batterie angoissante.

"Voices From A Fathomless Realm" emprunte les aspérités gothiques des premiers albums de PARADISE LOST tandis que certains passages de l’album tels que le début du titre "A World In Shade" sonne un peu à la manière du Death du début des années 90 (comprenez ENTOMBED et consorts). La présence de nombreuses parties de claviers apporte aussi un côté cinématographique voire visuel à ces longues compositions complexes aux couches sonores sinistres et funestes qui se superposent habilement aux voix spectrales de Stefan ("Old Graves Stir", "The Turning Veil"). Plus l’album avance dans le temps et plus le poison qu’il nous inocule se propage. Nous le ressentons nettement après le génial titre "The Artefact". Ce dernier escamote son plan maléfique avec ses nappes fantomatiques, ses riffs passivement agressifs et sa brume Doom opaque à couper au couteau.

Protéiforme, polymorphe et volontiers rejetant, "Voices From A Fathomless Realm" est d’une sombreur exquise jamais trop hostile qui me fait de temps à autre penser aux inquiétantes compositions de Phantom Slaughter au sein de WORM. J’apprécie beaucoup ce Black/Doom original, varié et techniquement très bien composé. En plus de nous absorber et de festoyer avec nos angoisses, il capture aussi des aspects oniriques. Mention spéciale notamment à l’incroyable titre "Through The Morass" et à sa seconde moitié captivante. Mention aussi aux instrumentales bien Dark-Ambient que sont l’intro, l’outro et "Watcher Of The Vast".

À l’image de cette cavité souterraine au basalte acéré et à la lumière contenue, cet album de CAVERNOUS GATE nous bande les yeux pour nous aveugler temporairement. En nous faisant ainsi perdre la vue, nous nous dirigeons dans cet antre inhospitalier guidé par ses seules mélodies horrifiques. Que contient t'elle ? Quels êtres la peuplent ? Quel danger final me guette ? Autant de question sans réponse puisqu’après quelques suffocations, en butant sur ce qui semble être un corps, voici que le mien chancelle et me contraint à m’étendre. Une lumière vive et furtive m’enveloppe tandis que ma pensée se diffracte, se disloque…