Le Black Metal français a encore des choses à dire ! Voilà en substance comment je souhaite introduire cette deuxième œuvre de BERLIAL. Car en effet, ce duo français nous dresse un Black Metal Atmosphérique très singulier vil, implacable et absorbant la lumière tacitement. BERLIAL est la contraction de "Beria", ancien dirigeant du NKVD sous Staline et de "Belial", le lieutenant de Satan lors de la chute de l’Éden. Et dans ce nihilisme auto-proclamé, "Nourishing The Disaster To Come" est un album convaincant et congruent avec cette obédience marquée.

Mêlant un Black/Death fortement teinté d’atmosphères variées et combinant une approche moderne, BERLIAL nous fait tomber dans un puits insondable mais aux parois étincelantes où aucune prise n’existe. Les facettes de cette musique funèbre, auguste et totalement cruelle, miroitent de mille feux. Les vocaux de CzH sont incroyables. Sa puissance et sa tessiture déchirée balayent nos derniers espoirs, et les paroles qu’ils déclament sont désenchantées et crachent abondamment sans discontinuer du venin. Les parties parlées soutiennent cette lame de fond - comme ces mots d’Antonin Artaud sur le titre bluffant qu’est "We Deserve To Fall Again" – mais pas que… CzH nous invective en nous vomissant des barbelés et des mots acerbes, dérangeants et haineux au possible... "Pour le monde, vous êtes déjà morts !"...

Appuyé par le jeu génial de guitares inspirées, les claviers se dressent telle une cohorte de spectres maudits aux hauteurs hallucinantes nous enveloppant de leurs souffles toxiques invisibles et tenaces. Les éléments électroniques et jazzy font aussi leur œuvre et marquent cette habilité de BERLIAL à manier des influences diverses qu’ils concrétionnent avec brio. Le voyage n’en est plus que savoureux et démoniaque. "Ivresse de la Finitude" débute par les mots de Joseph James DeAngelo, fameux serial killer américain appelé aussi le "Golden State Killer", lorsqu’il rappelait certaines de ses victimes… Le ton est donné et le titre sera sans concession… mais pourtant ses claviers sibyllins vont tempérer cette agressivité et nous rappeler furieusement des nappes symphoniques du Black Metal des 90s. Les chœurs qui résonnent sur ce titre vont aussi faire leur office en nous envoyant dans des limbes. Et, une nouvelle fois, ce titre est bluffant tant ses parties sont construites habilement, ses motifs sont polymorphes et empruntent des sentes complexes, hostiles et prédatrices.

Mention spéciale pour le titre "Nouveau Monde" génialissime de bout en bout. Son ambiance glaçante ainsi que son agressivité notoire sont au service d’une mélancolie de fond qui mêle désenchantement et amertume. Ses premières notes d’orgue et sa batterie prenant le relais vont nous transporter sur les rives désenchantées de l’espèce humaine, sur les frontières fragiles de l’humanité, tout près d’une zone de subduction où nous craquèlerons tous. "Nouveau Monde" nous mord au visage tout en nous caressant le front. C’est un titre radieux d’une beauté fuligineuse et cannibale, il nous transporte avec une aisance déconcertante et nous enserre l’âme de plus en plus fort avec ces claviers augustes et maudits.

Et si l’on remonte le fil de l’album pour en comprendre toute l’étendue de sa toile, il est aussi de bon ton de vous parler de son titre d’ouverture, "The Last Dance", avec un CzH en très grande forme nous offrant une très belle performance vocale. Mais aussi toujours et encore cette ambiance mortifère, ses leads dentelés offrant un kaléidoscope sulfureux de paysages sonores abrupts et rêches, ainsi que son rythme génial en mid-tempo volontairement hypnotique. Du très grand Black Metal moderne mais pas que, moi je vous le dis. En mirant cette pochette superbe de Jeff Grimal, "Nourishing The Disaster To Come", me convainc deux fois plus encore. Nous pourrions nous sentir comme des survivants en remontant le fleuve céleste cerné par les méandres et les ruines humaines… Écoutez donc les mots scandés par CzH au début de "Le Néant Pour Éternité", avant que les déchirements et les vociférations infernales ne prennent le dessus sur cette dernière pièce musicale possédée et d’un fatalisme sans nom. BERLIAL est grand mes chers lecteurs, BERLIAL sait faire de son Black Metal un missile cinglant et dévastateur tout acquis à la cause d’une dernière destruction, de souffler le dernier souffle sous les cieux ricanant d’un chaos qui ne se repent plus.