Ah les petits coquins ! Ils m’ont bien eu, ces garnements. En attaquant les "Mythes Et Légendes De La Comté", je m’attendais à une énième resucée de l’univers de Tolkien, sans doute comme vous mes bien aimés lecteurs. Mais ici, point d’ambiguïté, il n’est ni question de Mordor ou de Bilbo, encore moins d’un sous-groupe de Power s’inspirant du Seigneur des Anneaux ou singeant BLIND GUARDIAN. Notez que je ne vise personne, et encore moins FELLOWSHIP car ce n’est pas mon genre de dauber gratuitement sur une formation, à part éventuellement I PREVAIL, j’avoue. Bref. KYMRIS est un groupe bien de chez nous, de Franche-Comté plus exactement. Vous l’avez, du coup, ce petit calembour bon enfant ? Fan de Raymond Devos et de T-Ray, je suis immédiatement positivement disposé avant d’entamer l’écoute du disque séquanais.

"Mythes Et Légendes De La Comté" est donc le premier album de KYMRIS, issu de la dite-région, et vient nous narrer les légendes locales tout au long de ces quarante minutes de Mélodeath à tendance hautement Pagan (ou l'inverse). Disons qu’au moment de classer la chronique, j’hésiterai franchement entre Folk Extrême et Death Mélodique. Un petit côté ENSIFERUM, si vous voulez mon avis, peu ou prou. Élément particulièrement saillant, notre joyeuse communauté s’exprime, sans anneau, dans la langue de Molière, ce qui est assez rare de nos jours pour être souligné. Alors, bon, comme ça growle de manière sévère mais assez peu intelligible (plutôt typé Black en mode FINNTROLL au passage), on ne comprend pas toujours tout, hein. Je rassure ici les lecteurs qui seraient réticents à la dimension CELESTE. Mais je reviendrai un peu plus tard sur le chant. En ce qui concerne ce disque, comme souvent dans cet exercice, il possède les charmes et les défauts d’un cri séminal.

Dans son ensemble, l’album se tient franchement. Les compositions sont suffisamment variées, envoyant de temps à autres des petites saillies Black bienvenues ("Les Cavaliers Cannibales", "L’ours De Crosey") pour venir encore enrichir leur potion druidique, les onze pistes s’enchaînent avec plaisir, sans temps mort ni faute de goût, le mérite en revenant à une tracklist construite avec intelligence et réflexion. Le résultat est que l’on voyage sans peine entre des différents univers musicaux, et par conséquence entre les fables qu’ont voulu nous relater les musiciens. Aucune lassitude à craindre de ce fait, la galette est à la fois variée et cohérente, dans un bel équilibre général.

L’insouciance juvénile, même si les membres ont tout de même quelques kilomètres au compteur, dont fait preuve KYMRIS me rappelle parfois celle du premier EP de FALLEN JOY, l’excellent "Order To Die", comme sur "La Clef Du Feu", l’un des meilleurs titres ici. Ça joue des plans à l’instinct, ça t’envoie du lead harmonisé sans retenue ni calcul pour ouvrir les morceaux ("La Sorcière Du Florimont", belle pièce Melodeath à l’ancienne dont la conclusion orchestrale n’était peut-être pas indispensable ceci-dit)… En somme, "Mythes Et Légendes De La Comté" est frais et spontané, dans un genre qui en manque souvent ces derniers temps. D’ordinaire peu client du Biniou Metal de mon estimé collègue Volthord, je le trouve ici à sa place et plutôt bien dosé, à l’exception d’un léger abus de flûte, mais c’est sans doute là essentiellement une question de goût personnel, ne leur tenons donc pas rigueur outre mesure. Pour faire bonne figure avant que je ne puisse déverser mon fiel de gratte-papier raté, ajoutons que les guitares s’en sortent avec les honneurs (le diptyque des deux "Bossus"), souvent à-propos et joliment exécutées. Plus globalement, je n’ai rien à redire quant à la musicalité de l’opus, fichtrement bien foutue.

Mais… Mais… Vous l’avez compris, je ne suis pas totalement emporté par la bête. La faute en incombe principalement à une production un peu froide, clinique, à l’image du manque d’émotion que je peux ressentir en écoutant la formation. Les éléments Pagan qui sont censés apporter la dimension épique ou inquiétante (au choix) ne parviennent pas à toucher la fibre sentimentale de votre arrogant serviteur. Le chant de David m’apparaît également un peu impersonnel, d’autant qu’il est plutôt relégué dans le fond du mix de manière trop marquée, tandis que certains chœurs sortent un peu de nulle part en mode ALESTORM de temps à autre (cf. "Les Deux Bossus, Pt. 1", qui partait pourtant bien). Les gars, allez-y ou n’y allez-pas, mais cet entre-deux me gêne un peu sur les bords. "Truzna", ou « boire bruyamment » en patois d’là-bas, est d’ailleurs la parfaite illustration de ces accointances KORPIKLAANIesques, pour le coup plutôt réussies.

Au final, "Mythes Et Légendes De La Comté" est un premier LP plus qu’honnête et sincère, brassant de multiples influences avec une certaine réussite. Il est prometteur et mérite d’être défendu sur scène afin d’y ajouter un supplément d’âme et de singularité. Il donne clairement envie de suivre KYMRIS dans la suite de ses aventures. Mais à la question : "Est-ce que je reviendrai à ce disque encore d’ici six mois ou un an ?", ma réponse sera probablement négative, malgré cet artwork particulièrement chiadé.

Note réelle : 3,5/5.

PS : comme je me fais fort de vous laisser avec, a minima, un instant culturel par chronique (s’il vous plait, ne vérifiez pas, je mens à l’évidence), voici le contexte du pacte signé par Colbus, qui vous est brossé sur l’opus : le dit-Colbus était un criminel sans conscience ni remords ayant lâchement assassiné un ermite au cœur de la forêt de Chailluz, afin de le détrousser d’un trésor qui n’existait finalement pas. Il passa en revanche un pacte avec Mephisto (le vrai, pas le fieffé scribouillard aux mille chroniques) qui lui octroya cinquante années de richesse en échange de son âme, avant de venir réclamer son dû à grand renfort de pyrotechnie de manière pernicieuse, laissant ainsi la combe de l’ermite où il s’était installé prendre le sobriquet de « combe de l’homme mort ».