Au milieu de l’océan d’incongruités dans lequel baigne la plus grande partie de mes chroniques, il arrive cependant que certaines pensée lumineuses, à force d’acharnement, parviennent à sortir la tête de l’eau, aussi stupéfaites que je puis l’être d’exister parmi ces flots houleux de sombres platitudes… La remarque que j’avais alors émise au fil de la kro concernant le très fréquentable EP "Power Wisdom Courage" pondu par FIERCE DEITY courant 2021 fait partie selon moi de ces (trop) rares moments d’illumination. J’y écrivais en outre "qu’il ne me semble pas superflu de m’interroger à l’idée de savoir si cette recette vertueuse, qui fonctionne sur la courte distance d’un EP, ne risque pas de finir par faire des ronds dans l’eau sur la durée qu’implique un opus studio ? Et Barwick ne s’y trompe sûrement pas en ne proposant jusqu’à maintenant que des formats courts dans lesquels son art séduit sans lasser…"

Et là, devant m’atteler à ce premier vrai opus studio du dit combo paru en avril 2024 et justement titré "A Terrible Fate", je savoure très nombrilistiquement cette saillie inopinée, un peu comme un cigare cubain trônant sur une table vide qu’on récupère in-extremis sur la terrasse de son troquet préféré !

Petit rappel des épisodes précédents pour les malheureux qui découvrent seulement ici ce Stoner burné, mais sachant rester mélodique, du bout du monde : parler d’ailleurs ici de combo peut sembler nettement exagéré quand on sait que FIERCE DEITY est avant tout une création et surtout une musique unipersonnelle rêvée puis incarnée par Mister Jonathan Barwick, multi-instrumentiste doué, mixeur et producteur très honorable doublé d’un gamer invétéré avec une passion toute particulière pour les jeux un chouïa Old school, comme le démontre d’ailleurs le nom même de sa créature (tiré de l’univers de "The Legend Of Zelda"). Isolé sur son rocher tasmanien qu’il a pourtant contribué à secouer avec son ancien (vrai) groupe nommé TABERAH, cet accro aux jeux vidéos mélomane un peu fêlé égraine opiniâtrement depuis 2019 sous la seule bannière de FIERCE DEITY des singles ainsi qu’un EP qui, s'ils n’ont pas révolutionné la planète Metallique, diffusent quand même quelques bon arcs électriques qui décollent les noreilles des grosses prods (trop) bien formatées en donnant des fourmis dans les épaules, le bassin, sans oublier les pieds et donnent même envie d’y retourner !

Reposant principalement autour de riffs qui déboulonnent à la répétition hypnotique ensorcelante, le tout orné par une batterie (très adroitement programmée) percutante et enrobante à souhait, FIERCE DEITY c’est avant tout un Metal Stoner fun, accrocheur et foutrement rafraîchissant ! Attendue mais légitimement redoutée, la parution de ce premier album studio (6 titres pour 45 min de musique !) va nous indiquer, ou pas, si Barwick est parvenu à faire une tête au carré au Boss de fin de niveau qui lui barrait la porte de son évolution artistique… Please insert coin!

En outre, force est de reconnaître à notre zinzin des antipodes, cette capacité d’adaptation comme de haute flexibilité propres à tous les gamers de compétition pour ce qui est de s’acclimater à un environnement nativement hostile : notre gaillard propose ainsi avec "A Terrible Fate" un opus diablement bien équilibré, où les fans de la première heure retrouveront ce qui fait l’attrait et l’originalité de FIERCE DEITY, tout en traçant de nouvelles lignes plus originales qui viennent ainsi donner de la profondeur ainsi que de l’épaisseur artistique à un univers déjà habillement coloré. De fait, le pari un peu fou de Barwick pour poursuivre son aventure semble bien prêt d’être remporté !

Effilé comme la lame de la hache d’un bûcheron tasmanien en mal d’allumettes, le Metal piquant et envoûtant de FIERCE DEITY est pour sûr bien présent sur ce cru 2024 ; comme en témoigne le jouissif (car dans la plus pure tradition ébouriffante du combo !) "A Life Of Hate", fort de sa ligne rythmique abrasive ultra-burnée, de son refrain archi-fédérateur sans oublier son solo guitare urticant… mais aussi du lourd et puissant "Deadworld" dont les riffs martelant ne le cèdent que très ponctuellement à des passages plus aériens pour revenir à un refrain ample à la ryhtmique déboîtante… Notre zozo de l’espace est ici dans son élément jusqu’au cou et joue habillement des tournures / gimmicks qui ont précédemment fait son succès, et ceci sans pour autant s’auto-plagier. FIERCE DEITY se déguste comme du bon vin qui ne file pas la migraine et permet de retrouver ses chaussons cloutés préférés. Stoner is alive!

Seulement voilà, l’intelligence artistique du bonhomme consiste aussi à ne pas en rester là en nous ressortant une énième resucée de ce qu’il sait faire le succès de sa musique mais à proposer, au travers de ce "A Terrible Fate", une autre dimension de son univers quant à elle moins connue et par delà même potentiellement attrayante. Qu’il s’agisse de la lente et belle montée en puissance de la très progressive "Paralysis (Into the Wind)", balade ensorcelante où la voix d’un Barwick inspiré vient couronner ce mélange instrumental vertueux par une note simple et touchante ; du doux crescendo posé sur une mélodie qui s’affermit et que les silences respirant d’un long "Nekot's Shrine / Storm Temple" conduisent vers sa rythmique syncopée elle-même s’accélérant et se renforçant magnifiée par des chœurs… FIERCE DEITY gagne ici en épaisseur ce qu’elle délaisse (momentanément) en riffs démonte-pneus ou en sprints trépidants. Player One aurait-il une âme ?

C’est justement ce petit supplément d’âme que nous livre l’homme orchestre qui donne à ce "A Terrible Fate" une dimension toute personnelle et beaucoup plus intime qu’il n’y paraît. Le Metal de l’Australien gagne ainsi en épaisseur et ses univers en couleurs, l’écoute se transforme alors en adhésion. FIERCE DEITY y parvient à conserver son identité tout en ouvrant de nouvelles portes… Encore une preuve supplémentaire qu’il n’est pas nécessaire d’être riche et connu pour progresser de manière cohérente sur son chemin artistique ! J’ose ainsi avouer du bout des lèvres que le dernier titre éponyme clôturant ce bien bel album m’a un chouïa déçu tant par sa brièveté que par son côté inachevé, ce titre du bout du bout m’ayant clairement laissé sur ma faim. La perfection n’est certes pas de ce monde mais nous n’en sommes pas loin ici. À écouter d’urgence pour tous les amoureux d’exotisme rugueux et de syncopées hypnotiques : Jonathan Barwick est un fêlé réellement inspiré !

Debout devant le Boss inanimé gisant dans une flaque de cervelle, mes oreilles résonnent encore de ce riff brutal ayant si bien aiguillonné mon courage. Les muscles ne font pas tout mais ils m’ont été bien utiles sur ce niveau. La porte d’ébène glisse doucement sur ses gonds. Je prends une grande respiration et j’avance dans l’inconnu du niveau suivant… non sans avoir pyrogravé un très mérité 4/5 sur le battant pour saluer tout le talent que je sens effleurer sur les compos d’un "A Terrible Fate" tant riffé que poétique qui aura su m’envoûter : le lendemain est une autre aventure, je me réjouis d’avoir déjà pu vivre et jouer jusqu’ici !

- pour l’accroche :"A Life Of Hate"
- pour la douce progression : "Paralysis (Into the Wind)"
- pour continuer à se faire plaiz : Le reste.