Quel honneur de pouvoir accoucher de quelques mots sur les œuvres de Corven, et de boucler la discographie de NEHËMAH qu’il n’est sans doute pas nécessaire de présenter tant sa griffe indélébile orne la place honorifique que représente la France sur la scène internationale du Black Metal. Ce second album – le cadet -, est aussi le plus méconnu mais reste tout autant apprécié. Coincé entre les deux dingueries que sont "Light Of A Dead Star" (2002) et "Requiem Tenebrae" (2004), "Shadows From The Past…" reste pourtant un album de premier rang et le plus Raw des trois.

Fidèle à son aura ténébreuse et malicieusement diabolique, NEHËMAH est d’un sarcasme sans nom. La voix habitée et venimeuse de Corven jamais dans la surenchère, mais apposée avec minutie et au cordeau du rideau de riffs criards et embrumés, remplit son office en maniant l’art de l’envoutement. La production rêche – qui pourtant n’a pas plu au groupe lors de sa sortie - dope aussi ce sentiment lugubre et terne des compositions. Le froid se lit dans les notes, le givre les gifle et amoncelle des monticules hostiles de glaces acérées qui n’attendent que couper les chairs ou du moins blesser. Posez votre oreille sur des titres tels que l’impérial "Warlock" et son cœur noir, "Siguilum Sanctum Lycantropia" et son antre possédé totalement abrasé par les fluides diaboliques déversés en continu par Corven, ou l’ultra-ténébreux titre éponyme qui résonne comme un oracle maléfique.

Et puis il y a aussi le clin d’œil appuyé à l’œuvre de Quorthon de BATHORY sur le Black mid-tempo à la variable épique qu’est "The Thousand Tongues Of Medusa" et qui plus encore sur la superbe reprise "Call From The Grave" planquée à la trente-troisième piste... NEHËMAH ne s’est jamais caché de ses amours pour la première vague du Black Metal et à ces premières carcasses encore fumantes bien gardés par des hordes de corvidés. Beaucoup y ont vu aussi une prolongation française des albums cultes de DARKTHRONE – notamment le "A Blaze In The Northern Sky" et je ne peux pas dire qu’ils ont totalement tort à cela de près que nos chers Français manient aussi les claviers et un peu de guitare acoustique pour varier ou densifier des titres déjà sacrément froids et arides. L’accointance avec la Norvège se retrouve jusque dans le titre et les paroles de "Sønner Av Den Fimbulvetr", comme quoi avant même que nombre de regards se concentrent sur NEHËMAH, à l’époque, la Scandinavie est incontournable – mais cela nous le savions déjà.

Avec CRYSTALIUM, GORGON et même EPHELES je dirai, NEHËMAH nous a lancé de sacrés poignards ensorcelés. "Shadows From The Past…" ne fait pas pâle figure et s’il n’est pas exempt de défauts (le long et monotone titre "Selvmord"), il reste puissant et conserve son aura maléfique malgré les années passées. Album à reconsidérer sans doute pour une grande majorité, coincé entre deux sorties géniales et cultissimes, "Shadows From The Past…" prouve que NEHËMAH n’aura produit rien de médiocre, restant après le "Requiem Tenebrae" une fulgurance exceptionnelle qui a embaumé un public de plus en plus large, de plus en plus obédient, et ce, bien au-delà de l’Hexagone. True Sapaudiae Fucking Black Metal !

Note réelle : 3,5/5.