Le premier EP de KVADRAT est un cauchemar éveillé éternel. Un de ceux qui vous monte à la gorge en vous retournant les boyaux, vous laissant en prise à des angoisses de morcellement et à la seule merci de sueurs froides extrêmes. Les assauts permanents et bestiaux des quatre titres sont d’une telle férocité qu’il serait bon d’anticiper dès les premières secondes un lieu ressource ou de protection afin de se prémunir de perdre le contrôle.

Les rythmes épileptiques sont des pièges permanents nous condamnant à être balancés comme de vulgaires embruns au sein d’un océan déchaîné par des vagues scélérates mélodiques et dissonantes. Les riffs étranglent, les riffs nous broient et nous déchiquètent. Sommes-nous de simples trophées ou de si faibles proies pour ressentir tant cette étreinte ? Sommes-nous si faibles face à tant de fureur ? Daignez écouter ce titre absolument génial qui introduit cet EP, "Αποξένωση" (=aliénation). Ressentez cette impression constrictrice que le ciel et l’océan forment un unique étau autour de vous et que vous n’êtes déjà plus ou le serez bientôt. La morsure de ce titre est violente et fascinante à la fois. Dans le royaume de la décadence mélodique, KVADRATH concourt déjà à tutoyer certains maîtres tels que les DEATHSPELL OMEGA et pourrait parader le port haut satisfait de ses hauts (mé)faits insolents et dévastateurs.

La puissance est de mise dans ce Black/Death dissonant de haute volée qui ne se perd jamais. À la différence notamment des derniers ABIGOR, le message sonore de Ivan Agakechagias est beaucoup plus lisible et intelligible. Les transitions, les breaks, les phases ascensionnelles sont à couper le souffle et restent toujours superbement structurés et orchestrés. Les leads se superposent comme des nappes et forment un mille-feuilles extatique tout en se reposant sur les assauts vocaux et une batterie dingue. "Ψυχική Αποσύνθεση" (= décomposition mentale) en est le parfait exemple. La relation qu’il crée en nous est saisissante. Dernier titre éponyme de cet EP acrimonieux et frondeur, il nous prépare à notre propre fin et relate cette implosion. Avec ces grappes de riffs remplis de reverb qui nous fouettent de toutes parts, et cette voix diabolique déchirante, "Ψυχική Αποσύνθεση" peint et détruit puis repeint à nouveau de multiples tableaux de désolation.

"Ψυχική Αποσύνθεση" est un EP d’une dinguerie juste fabuleuse. Étonnant qu’il n’ait pas plus enterré l’humanité. Fruit du cerveau habile d’un seul homme qui a conçu tout KVADRAT dans son ensemble (compostions, instrumentation, logo, pochette, production…), les sentiments de haute lutte qu’il arrive à produire sont pour l’heure inégalés. Si vous avez entamé la discographie par l’album qui a violé la petite chasteté de la catégorie sélection de votre webzine préféré au milieu de l’été, le grandement nommé "The Horrible Dissonance Of Oblivion", prenez une énième bouffée d’oxygène avant d’entamer verticalement une plongée brutale – à la dérive – dans l’infernalité totale.